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mercredi 28 septembre 2016

La nuit a horreur du soleil



Nahed, c’est fini ! Relève-toi, mon ami, le chemin est encore plus long pour atteindre le soleil qui tient chaud au cœur. Marchons ensemble, le long de cette rue truffée de danger qui ne fait plus peur. La vie qui nous a longtemps animés n’a plus d’arrière-pays dans ce désert arabe inculte où il ne pousse que des nervis à l’ombre des derviches et des palmiers maudits. Les chiens arabes aboient au passage des caravanes pleines de civilisations humaines arrivées du monde entier pour déguster le thé d’Arabie qui ne se boit plus trois fois comme autrefois. Lève-toi et avance sans donner la chance aux chameliers perdus dans cette énormité catastrophique où l’ignorance règne en maitresse absolue et incontestée. Alors que Yatim clôturait le premier chapitre de cet écrin yéménite, tu es venue apporter ton eau pure à son moulin d’écriture. Tu as tenu à couper l’encre de ses mots à l’eau précieuse du silence douloureux de ton absence. Tu as choisi tôt le maquis et tu as décidé aussitôt la résistance. Le verbe obséquieux s’est mis en berne devant l’altesse et la grandeur de ton silence. Immense est ce legs que tu lègues au dernier moment de ta présence où le jour s’ombre de nuit au carrefour de l’aberrance.

 Nous nous sommes souvent rencontrés sur cette scène universelle où la vie en sentinelle nous insufflait les instants fabuleux de l’existence. Soudain, le temps a tiré les verrous et la porte du ciel s’est fermée de l’autre côté de la vie. Il pleure des années aussi folles que téméraires sur le pays qui confisque tout notre amour. Il pleure des décombres sur le parvis de la justice qu’il faut gifler jusqu’à ce qu’elle se mette debout ! Il pleure sur les hommes pleutres et infidèles de cette lignée royale ô combien déloyale ! Le seigneur des daéchistes est plus efficace que tu ne le penses ;  trônant sur sa lâcheté éternelle, il est plus redoutable que l’obscurité qu’il divinise. Il étale son règne au-delà de la chevelure de l’Arabie, cette femme impure coulée dans les eaux nauséabondes de la luxure. L’imposture aux allures arabes prend une posture des plus dégradantes où la traitrise culmine au panthéon de la déconfiture générale.

Hattar, c’est fini ! Le registre des doléances est fermé définitivement dans cette partie du monde où tout le monde s’amuse avec notre existence. Les nôtres sont ailleurs que sur ce bout de désert où l’arnaque jalonne les oasis scélérates et perfides. Il faut déterrer les mots et tremper le verbe dans la mouture acerbe et conjuguer la mort à tous les temps du langage fatal de l’empire du mal. À quelques encablures, la capitale nabatéenne veille encore sur cette civilisation ô combien humaine. Dressée aux confins des âges reculés de l’histoire et des déserts du Machreq et du Sham, Pétra se suicide au bord du Jourdain affolé par la déraison humaine. Elle se noie dans l’eau trouble de ce fleuve impétueux détenteur de notre mémoire au fil des temps farouches et ténébreux de notre histoire. Pétra résiste toujours face à l’impéritie du temps, des hommes et de la misère, malgré les spasmes douloureux de la terre et les ravages séculaires des pilleurs. Pétra la riche continue de livrer les secrets et la science d’une cité sophistiquée. Oui, Nahed, c’est ici qu’est née une des plus grandes civilisations humaines, là où ton encre rouge arrose les jardins invisibles du royaume antique. La main rouge est aussi nabatéenne, elle est venue de Hégra la petite sœur de la mère Pétra. Là, aux contreforts de la montagne du Hijâz sévit cet esprit dévastateur qui contredit en effaçant d’un trait effroyable la vie. À l’image de l’importante stature du Trésor, tu seras le Khazneh d’un monde nouveau que tu éclaires de ta bonté du fond de ton immensité. L’imam d’Ain-Flane en Algérie est identique à celui de Pétra en Jordanie, venu de Hégra, en Arabie.

Ce n’est nullement un hasard, ce pays situé entre la mer Rouge et la mer Morte, entre le sang et le silence. Cela sent l’encens qu’étale l’Arabie pour encenser la soie Chine épicée au goût de l’Inde. La mort audacieuse se faufile comme un reptile parmi l’art et la culture en fauchant les écritures gravées sur la sépulture de la civilisation humaine. Le temps en témoin oculaire se fige dans sa neutralité séculaire en égrenant la longue litanie, les grains de tous les chapelets, d’un deuil qui se distingue par son universalité. Oui, l’on ne sera jamais seul dans son dernier sommeil, puisque Palmyre encore fraiche actionne les tocsins de la barbarie. Je suis de Palmyre et j’y resterai même s’ils doivent me tuer, avait déclaré Monsieur Khaled Al Assaad, le serviteur des Antiquités de la célèbre cité syrienne. Le Palmyréen et directeur des idoles n’a su déchiffrer les idées folles d’un obscurantisme sidérant. À travers la serrure de notre esprit, le monde nous épie en épinglant sur nos dos arcboutés la liste des damnés condamnés à l’autel de la déchéance humaine. Tu ne seras jamais seul ni le premier ni le dernier. À chacun son tour dans ce monde chacal où le mot devient fatal. Alger se lamente encore de ce funeste décor en comptant toujours ses morts. 

Boukhobza, Djaout, Boucebssi, Liabes, Karima, Fatima, Djebaili, Bouslimani, Merbah, Benhamouda, Boudiaf et tous les autres se comptant par milliers sont autant de piliers à la voute céleste de notre liberté. Monsieur Hatter, je vous invite du côté de Ramka et de Bentalha d’où fusent encore les cris des gens auxquels l’on a ôté la vie en emplissant notre mémoire d’instants maudits. Il parait que tu as la tête dure, mais pas la peau, car tu as laissé échapper toute ton eau, ce jour fatidique. Puissent-ils nos mots atténuer nos maux à hauteur de nos esprits et adoucir les idées qui tuent davantage qu’un fusil. Ce qu’il convient d’appeler de monde arabe se débat continuellement dans une crise culturelle et identitaire et les doyens ne cessent de creuser le fossé séparant une même famille pour asseoir la suprématie de leur conviction totalitaire.



Ce texte a été écrit le 28 septembre 2016