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mardi 24 octobre 2017

L’amour, al-harrag et la vie


À mon frère et ami Tayeb Ouici, un homme honnête, brave, obligeant et aimable: un alliage inoxydable.



Œil-De-Rapace gisait comme un cheval mort dans cette plaine abandonnée où chiens et chats errants avaient occupé tous les hameaux ; ils entonnaient au diable vauvert, surtout de nuit, leur édifiant flamenco. Certes, il faisait bon vivre dans ce village qui n’avait nullement besoin des rugissements des lions pour se sentir gladiateur. Il portait mal son âge et ne supportait plus la jeunesse. Il ne gardait de son passé colonial que l’église, dégradée d’ailleurs, mais qui conservait quand même une structure imposante. Ce bourg était tout en fleurs et pas une seule maison n’avait son propre jardin. Elles rivalisaient de beauté en ajoutant une touche agréable au paysage, pour le plaisir des yeux et du cœur. À Œil-De-Rapace, tout le monde se connaissait ; les gens donnaient ici, à l’humanité entière, une formidable leçon de tolérance ; ils se côtoyaient dans une ambiance fraternelle ; pourtant, chacun était au courant des tares et des inepties de l’autre. On retrouvait le moudjahid de la première heure ainsi que le harki de la dernière heure dans le même patio ; voisins, ils cohabitaient dans une entente extraordinaire, en dépassant tous les conflits, sans jamais se tenir rancœur ; au contraire, ils se renvoyaient souvent l’ascenseur. Le marocain avait sa place aussi, mieux encore, il était respecté à tel point qu’on tissât avec lui des liens de parenté. La seule fausse note qui entachait la virginité de cette cité résidait dans l’arrogance de ses riches. Ceux-là avaient opté pour un comportement à la hauteur de leurs fortunes. Non seulement ils regardaient les pauvres de haut, mais ils le faisaient avec dédain. Œil de rapace portait mal ses ans et respirait avec angoisse son histoire qui ne brillait d’aucun éclat. Depuis qu’il a été créé, il ne fait que subir les aléas du temps et l’insipidité des gens. Qu’il vive ou qu’il survive, les choses ne changeaient en rien son devenir et n’influaient aucunement sur son comportement. Il demeurait Œil avec ou sans Rapace.

L’indépendance se savait au drapeau accroché et suspendu à la hampe de la mairie ; au-delà, rien ne la rappelait, sauf peut-être cette liberté qu’avaient les villageois à vieillir jeunes ; Œil-De-Rapace distribuait les vingt ans et à défaut de mourir, l’on se fanait bêtement. L’histoire lui reconnaît quand même une qualité : il est le premier village à avoir inventé le « Hitisme ». Aucun bourg, avant lui, n’avait su glorifier ce mouvement dont les enseignements firent tache d’huile ; il déteignait sur les autres douars et même sur les villes qui ne se croyaient pas concernées par la daube nationale. Le « Hitisme » (chômage en langage populaire) connut une période faste et prospère, tout à l’honneur de son fondateur, j’ai nommé, l’esprit laudateur. Ses disciples étaient légion. Il rayonnait sur tous les murs qu’ils soient grands, petits, cimentés ou mal lotis. Ils étaient tous logés à la même enseigne. Les murs avaient pris le pli de se prêter à ces rites banals qui n’en finissaient pas à longueur de journée. D’ailleurs, ils portaient dans leurs cœurs de pierre, les stigmates d’une telle action. Les traces indélébiles des dos humains les parsemaient de leur ennui pratiquement quotidien et cafardeux. De nuit, ils laissaient s’échapper des soupirs et des chuchotements comme s’ils se racontaient les histoires pas du tout drôles de leurs hôtes diurnes indésirables. Leurs conciliabules témoignaient de leur refus de servir de soutènement aux ossatures spectrales et fantomatiques d’une plèbe au bord du précipice. En tout cas, ils se liguaient en catimini en vue de créer une association pour défendre leur droit à la liberté ; ils se sentaient à l’étroit avec ces bêtes humaines qui venaient se frotter à leurs peaux rêches et crépues en leur confiant les secrets les plus alambiqués. Les journées s’étiraient en bâillant à l’enfer pour crier leur monotonie par-dessus les toits des maisons qui ressemblaient à des tombes en fleurs.

À Œil-De-Rapace, le jour ne s’étant jamais levé, la nuit, confortablement installée, régnait en maîtresse absolue sur les lieux. Les spectres qui remplissaient d’office les fonctions d’habitants n’avaient pas encore franchi le mur de la « cité ». Ils se complaisaient à jouer les rôles qui leur étaient dévolus par la vie au même titre que les bêtes qu’ils détenaient. Ils s’en tenaient à cette mécanique, aigris par la force des choses et par les horizons fermés, comme si Dieu avait retiré au dessus de leurs têtes, un pan du ciel qui leur était destiné. Emmurés dans la soie trompeuse du silence, encagés dans l’étoffe grossière et drue d’un socialisme claudiquant, emmaillotés dans le crin crapuleux du dogmatisme et affabulés par un discours hâbleur et lénifiant, ils vivaient dans le meilleur des mondes, loin de toute influence embarrassante. Ils trouvaient leur compte dans le statu quo d’une vie qui souffrait le martyre. Celle-ci s’enfermait dans les crocs géants et béants de l’ennui qui ne disait pas son nom. Celui-ci s’éternisait sans se soucier des lendemains qui n’étaient nullement enchanteurs. Chaque matin, les murs renouaient avec leur quotidien en retrouvant leurs fidèles amis qui ne se lassaient jamais de cette luxueuse activité qui rendait la région célèbre par sa portée.

Il y avait des murs chanceux et d’autres moins fortunés. Les premiers étaient tant choyés et tellement sollicités. Les seconds ne recevaient même pas l’ombre d’un quidam ; ils mouraient d’ennui, tristement esseulés et abandonnés. Le soleil, ne trouvant jamais de sujets intéressants à sa chronique, balayait le village de ses rayons plats noyés dans l’humeur fade de l’habitude. Le jour faste des murs, le jour phare comme on dit, c’est lorsqu’il pleuvait. À ce moment-là, tous les hommes jeunes et moins vieux se mettaient de la partie ; ils y allaient tout doucement, d’abord de leurs épaules, ensuite de leurs dos qu’ils plaquaient contre les surfaces rugueuses des murs comme pour les soutenir. En escarpe bien contre ceux-ci, les gens fusillés par le temps regardaient sans compter les petits de la pluie.

Chaque mur avait son propre liseré recouvert qui offrait une insignifiante protection. En effet, il protégeait contre les bruines, mais pas contre les averses et les bourrasques. Cependant, l’on s’en foutait royalement puisque le temps à Œil-De-Rapace n’avait aucune importance ; il s’en allait peinard comme un vieillard traînant la savate ne se souciant guère de la vie qui s’accrochait quand même à ses basques. La vie à Œil-De-Rapace était un fleuve tranquille suivant son cours bien ancré dans son lit sans craindre d’en sortir. On ne débordait pas, on ne débordait jamais pour ainsi dire à Œil-De-Rapace. C’était en quelque sorte une petite et douce herbe qui ne faisait que survivre ! Voilà, pour schématiser un peu le topo de ce fameux bourg. Tous les murs, neufs et anciens, portaient des graffitis. Des trucs pas tout à fait à la mode côtoyant des écrits sclérosés, comme « vive le FLN » ou encore « votez FLN », avaient plus de trente ans d’âge. Ils avaient été dessinés là, un certain soir, un certain mois d’une certaine année et personne n’avait pensé à les enlever.

Les nouveaux hiéroglyphes comme « vive Aïcha » et « vive l’amour » étaient plus suggestifs. Les « je t’aime Omri » et les mystérieux couples comme « toi et moi » et « elle et lui » ou « Rachid et Pas De Chance », étaient le plus en vue. Chacun avait sa propre surface où l’on pouvait lire son surnom. C’était comme une épitaphe sur une pierre tombale et personne en dehors du propriétaire ne venait altérer l’endroit. Le respect était observé dans une réciprocité exemplaire. Un même mur pouvait abriter plus d’une équipe. Les quartettes étaient légion. Bien sûr, n’importe qui pouvait s’y adosser ; ce n’était nullement une place réservée, mais disons que c’était seulement la présence qui permettait la jouissance de ce droit ; l’absence autorisait donc la mainmise sans toutefois y apporter des transformations ou opérer des ajouts inopportuns. Comme tout le monde se connaissait et comme chacun avait choisi l’endroit qui l’arrangeait le mieux, il était rare que quelqu’un piétinât les plates-bandes d’autrui. Tous les surnoms étaient triés sur les volets ; ils étaient étroitement liés à la réalité : Kada l’embrouille parce qu’il mentait tout le temps ; Béchir le pétard parce qu’il pétait beaucoup ; Samir la Magouille, car il était débrouillard ; Fatah Trabendo parce qu’il faisait dans le trafic en tout genre ; Salah le grand, car il était petit de taille ; il y avait Taguigue qui avait la manie de dire « tague ! » chaque fois qu’il trébuchait sur un mot lorsqu’il discutait. Il y avait aussi la Carpe qui demeurait tout le temps silencieux, surtout depuis sa troisième absence. Il avait essayé à trois reprises sans pour autant réussir à imprimer le moindre souffle à sa destinée. Il fallait être la Carpe pour le faire ! Un être apparemment chétif, tout juste dans la moyenne physiquement. Licencié en psychologie, il n’avait décroché aucun boulot dans ce paradis décrit dans les manuels scolaires, ce pays stratégique qui avait été le pionnier dans bien de domaines et qui recelait d’immenses richesses naturelles. Un pays riche dans lequel vivait un peuple pauvre.

La Carpe n’arrivait pas à comprendre cette maudite équation qui peuplait toujours son esprit. À peine âgé de vingt-cinq ans, il paraissait en avoir quarante, tellement il portait le fardeau invisible d’une peine indicible. Oui, il fallait être la Carpe pour tenir bon face à l’adversité et à trois échecs consécutifs et pas des moindres. Toutefois, malgré son aspect fragile, il était un surhomme ! Il défiait le monstre pendant que le commun des mortels lui nourrissait une crainte certaine ; cependant, certains hommes sages et avertis lui vouaient un grand respect. L’ogresse était et demeurait toujours auréolée d’une chose sacrée et impénétrable, d’un mystère profond et incroyable. La Carpe gardait si bien son secret que personne dans son entourage n’était au courant de ses aventures.

Pour ses absences qui ne passaient nullement inaperçues, il répétait à qui voulait l’entendre qu’il se rendait chez une amie habitant dans une ville voisine. On le croyait sur parole et on se permettait de le harceler pour qu’il fasse le récit de ses heddates « envolées » très spéciales ; il excellait dans l’art de raconter des blagues. Il mettait du zèle dans ses histoires d’amour imaginaires qu’il inventait lui-même. En fait, il ne faisait que transcrire ses rêves et ses fantasmes. Si les autres les appréciaient, c’est parce qu’ils éprouvaient aussi les mêmes aspirations et désirs. C’était le seul moment où la Carpe daignait ouvrir la bouche. Il était heureux de voir ses camarades, suspendus à ses lèvres, boire ses paroles comme un thé qu’on siroterait volontiers, après une soirée d’amour ; il jouissait à les tenir ainsi en haleine, mais son jeu finissait par déteindre sur lui au point qu’il épousait certains contours de ses histoires.

De tout le groupe, seul Taguigue était au courant de la vérité carpienne.
Les équipées de la Carpe, riches en enseignements, lui étaient d’un important apport. En effet les graines d’une belle escapade germaient déjà en lui.
Taguigue était un jeune homme simple et sans problèmes, mais n’était pas pour autant heureux. Il venait lui aussi de terminer son cursus, enfin de l’arrêter, car il ne voulait plus continuer. Il avait stoppé les cours, parce qu’il avait compris que cela ne servait à rien, sauf à perdre du temps et à rater peut-être une occasion de se caser dans l’univers du travail. Les études n’étaient apparemment qu’une fenêtre donnant sur la connaissance, sans plus ; elles étaient loin d’être le préalable à une vie décente ; elles ne constituaient nullement le cheval de Troie par lequel on pénétrait dans la citadelle. Les horizons fermés interdisaient tout espoir et ceux qui espéraient étaient encore victimes de la duperie nationale. Taguigue était vraiment malheureux. Son mal, il le portait en lui sous les couleurs d’Amal. Amal, l’espoir qui n’enfantait finalement que le désespoir. Son cœur était devenu par la force des choses comme un galet qu’on avait trempé dans l’humeur glacée de la réalité de la vie.

« Amal, je t’aime à vie !
Toi ma vie, lequel de nous deux est plus sûr que l’autre ? La certitude s’enroule en serpent autour de ma philosophie… pour que la raison ne soit finalement qu’un goût de matière grise.

Dis-moi ! Toi, ma vie ! De quelle couleur est l’habit que je porte ? Ou bien, n’es-tu capable de voir en moi qu’un peu de perte de temps ? Ou bien n’es-tu qu’un simple alibi pour que ma route s’en aille sans moi ?

À quelle heure, faut-il être à l’heure de ton départ, quand la cloche sonnera ? Ou bien n’est-il déjà plus l’heure ? Ou bien, ne serait-ce désormais plus l’heure ? Sais-tu, au moins, qu’un jour, tu finiras tout comme moi et qu’à ce moment nous serons ensemble dans le même bain ?

Alors, pourquoi files-tu toujours sans moi ? Tu changes souvent et ma petite tête mortelle n’arrive plus à donner du vent pour surprendre ta girouette… je te le répète ! Toi, ma vie ! Tu me donnes le tournis et tu gâches souvent la fête. Alors, arrête et faisons la paix pour une fois s’il te plait.

C’est au quai de mon âme que les amarres sont jetées et à l’encre de mon cœur que je t’implore, bon sang !

Donne-moi le temps d’un lacet pour jumeler ma chaussure à ta pointure !

Donne-moi le temps d’une flétrissure pour que la brisure ne soit qu’une éclaircie !

Donne-moi le temps d’un soupir pour que mon souffle en apnée ne soit jamais l’eau de ma torture !

Donne-moi le temps d’une chance pour qu’enfin commence le bal de l’unique et dernière danse !

Toi, ma vie ! Tu t’en vas toujours sans moi, sans mon chemin, sans détour et sans me prendre la main.

Toi, ma vie, la locomotive, et moi, le dernier wagon de notre train ! »

Voilà ce qu’il avait écrit sur tout un pan de son mur.

Tout le monde le prenait pour un fou. On disait aussi qu’il planait souvent, qu’il avait rarement les pieds sur terre. Les joints de drogue étaient devenus sa spécialité. Chaque jour que Dieu faisait, il venait se recueillir auprès de ce mur. C’était un rituel à ne point bannir. Il commençait son pèlerinage en déclamant le texte d’une voix presque silencieuse comme s’il se confessait. Il demeurait immobile tout le temps que durait sa confession. Il se souvenait encore des moments fabuleux où il l’attendait à la sortie du lycée. Amal émergeait toujours du lot que formait la grappe de ses copines. Il était heureux de la savoir tant aimée et tant respectée. Celles-ci ne la quittaient qu’une fois la rue abordée. Alors, là, d’un signe de la main qu’elle agitait plusieurs fois, elle en prenait congé. Espiègle et dynamique, elle traversait la rue en donnant de la tête à droite et à gauche pour s’assurer de la circulation, et aussi, pour faire jouer ses cheveux noirs et soyeux qui tombaient en cascade sur ses épaules. Elle répétait ces gestes sciemment, car elle se savait observée par celui qui habitait déjà son cœur.

« Tes cheveux me tuent, Amal, surtout quand ils balancent. Mon cœur chavire et je ferme les yeux dans ce délicieux délire », lui avait-il dit un jour, alors qu’ils étaient ensemble à la sortie du village. D’ailleurs, cela avait été la seule fois où ils avaient pu se parler devant tout le monde. Ce faisant, ils avaient foulés tous les tabous et interdits dans cet élan prodigieux qui unissait leurs cœurs amoureux. Très vite, les commérages firent rage. La rumeur, comme une traînée de poudre, avait enflammé tout le voisinage. Les médisances avaient fini par les condamner. On convoqua en leur défaveur un triste aréopage. Taguigue n’hésitait pas, malgré tous les cancans et les proscriptions, à aller toujours à sa rencontre. Ils marchaient longtemps côte à côte, sans trop se parler, ne se disant que l’essentiel. Leur malchance résidait dans le fait qu’ils étaient venus tôt à la mauvaise réputation. Les jeunes comme les vieux les accompagnaient de leurs regards ; leurs yeux jaloux et méchants les dérangeaient dans leur intimité. Têtes basses, ils recevaient les sarcasmes de ceux qui étaient dans l’impossibilité de comprendre. Ils marchaient en écoutant leurs corps qui communiquaient admirablement au rythme de leur démarche tout de pudeur et d’innocence.
Parfois, défiant l’âge de pierre et l’esprit sclérosé, ils se donnaient la main dans un geste aussi fou que téméraire. Leurs doigts doux et frénétiques entremêlés étaient autant d’allumettes sournoises, ils entretenaient ainsi le feu de leur incendie. Leurs cœurs battaient en symbiose le refrain de la vie.

Ils auraient pu marcher des journées entières sans jamais se lasser et sans jamais altérer le sentiment puissant dans lequel ils avaient jeté leurs amarres. Ils auraient bien aimé que la route ne finît jamais, car leur séparation était toujours ressentie comme une douleur. Quand ils rencontraient un adulte de leur connaissance, ils s’arrêtaient en faisant semblant de discuter sur un problème de cours, et sitôt qu’il les eut dépassés, ils reprenaient leur chemin et leurs conciliabules amoureux.

Ils s’efforçaient à se faire passer pour des élèves consciencieux afin de tromper la vigilance embarrassante et désarmante de leurs ainés. Ceux-ci, se croyant investis de quelques pouvoirs, les fusillaient sans aucun ménagement de leurs regards haineux. Ces vieux rabougris auxquels l’amour avait depuis longtemps fait ses adieux, leur menaient la vie dure jusqu’à l’intérieur de leurs demeures. En effet, les parents des deux tourtereaux échaudés par les radotages finirent par se mettre de la partie en les fustigeant à chaque dérapage. Qu’à cela ne tienne ! L’amour était plus fort que les sermons et les médisances. Quand leurs doigts frénétiques et passionnés se rencontraient, leurs esprits et leurs corps s’embrasaient sous le feu assassin de l’amour interdit ; ils se laissaient flotter dans le charme fou des ondes merveilleuses irradiant de leurs âmes. En ces moments-là, ils oubliaient le temps, les vieux et n’entendaient que les battements de leurs propres cœurs. Aux tréfonds de leur mémoire, au fond de leurs yeux, en haut de leur ciel si bleu et si majestueux, ils retenaient prisonnier cet instant de bonheur. Cela leur donnait la force d’attendre jusqu’au lendemain soir, à la même heure, avec la même fougue et la même passion et l’espoir toujours grandissant.

Taguigue ne s’essuyait plus la bouche. Sur ses lèvres était incrusté un baiser du tonnerre. Il sentait encore l’ouate et la soie de son atterrissage. Cela avait été rapide, plus furtif que l’éclair, mais avait la puissance d’une bombe nucléaire. C’était l’unique fois où ils avaient osé sceller leur tendre alliance. Ce fut un abouchement des plus merveilleux, exclusif et extraordinaire. À son seul souvenir, il éprouvait un frisson agréable.

Et puis, tout s’était tu, tout avait pris fin. La vie cessa de vivre et la Terre de tourner : Amal s’était suicidée.

Afin de survivre, Taguigue épousa le joint qui devint l’échappatoire à sa folie.
Ce fut grâce à la Carpe qu’il remonta lentement la pente.

— Comment était-ce cette fois ? demanda Taguigue un peu embarrassé.

— Beaucoup plus difficile que les deux premières tentatives, lui répondit la Carpe.

— Y a-t-il eu des morts comme avant ? Lui demanda-t-il encore, mais gêné de poser une telle question.

— Oui, lui dit-il, d’un air pénible. Tous ont péri, sauf nous trois. Nous avons été surpris par une grosse tempête, des déferlantes d’une violence si rare que j’en garde les stigmates dans mon cerveau, ajouta-t-il complètement effondré.

— Dans ton cerveau ? Questionna Taguigue, ahuri.

— Oui, c’est dans l’esprit que l’on souffre le plus ! C’est là que s’opère le recueil de tous les sens.

— Raconte-moi, s’il te plaît, je désire tout savoir.

— Comment et par où commencer ? J’aimerais bien tout te dire. Cependant, avec tout le vocabulaire du monde, je ne saurais être fidèle, tellement c’était fou et grandiose. C’était plus grand que l’imagination et plus vaste que l’imaginaire. C’était indescriptible !

— N’empêche ! Dis-moi ce que tu en sais, je m’en satisferai.

— Es-tu toujours intéressé ? Lui demanda la Carpe, un chouia amusé.

— Et comment ! Je suffoque ici, je décline, je meurs lentement.

— Cherches-tu une mort rapide ? Le brusqua-t-il sans ménagements.

— Oh, non ! J’aime trop la vie, même celle d’un chien.

— Alors ?

— Je veux tenter ma chance.

— Tu pourrais ne pas y survivre. Il ne s’agit pas de jouer, ce n’est pas de l’amusement.

— Qu’en sais-tu ? Raconte et ne t’occupe pas du reste, ne sommes-nous pas les fils d’une femme ?

— Écoute mon cher, il est très douloureux de se rappeler la mort de ses amis. Je t’en prie, épargne-moi cette peine !

— Non, dis-le s’il te plait comme si tu leur rendais un dernier hommage.

— Tu es incorrigible et intraitable quand tu t’y mets ; alors, par où dois-je commencer ?

— Depuis le début et sans rien omettre. Je veux tous les détails, je t’en supplie.

— Oh là, là ! Cela a l’air sérieux chez toi !

Taguigue se tut, l’air confus.

— Ne me dis pas que…

La Carpe ne put terminer sa phrase. Le hochement de tête de son ami fut plus qu’une évidence.

— Et c’est pour quand ? lui demanda-t-il à brûle-pourpoint.

— Dans trois jours exactement !

La réponse vint succincte et laconique ; elle invoqua un moment le silence.
Cela sembla durer une éternité.

— Je refuse que tu le fasses ! S’emporta la Carpe.

— Ah bon ? Et pourquoi donc, monsieur mon tuteur ?

Taguigue fut très surpris, autant par la signification des propos de son ami que par son injonction.

La carpe se reprit.

— Ne le prends pas mal, s’il te plaît. J’ai été spontané parce que je t’estime beaucoup et je ne veux pas te perdre.

— Me perdre ? Tu es de plus en plus énigmatique, et tu parles comme si tu détenais la vérité. Es-tu devenu devin par hasard ? En tout cas, je n’ai pas peur de la mort !

— Non, comprends-moi s’il te plait. Il ne faut pas aller trop loin, je suis sincère. Je ne veux pas que tu le fasses, c’est tout.

— La mort et moi cohabitons dans le même corps. Le jour où l’un de nous serait à l’étroit, eh bien, qu’il fasse le vide ! Et puis, apprends aussi que la mort est la seule chose qui soit intacte. Elle demeure toujours inviolée bien que les pas géants de la science osent se poser certaines questions. Tout a été souillé par l’homme jusqu’à la religion ; même Dieu ne réchappe pas de nos esprits maléfiques. Mais, face à la mort, on s’efface en se faisant tout petit. Nous mettons, tous autant que nous sommes, notre queue entre les jambes et baissons la tête à sa seule pensée. Moi, je la respecte pour avoir appris à vivre avec elle dans un pacte qui me donne la possibilité de ne pas la craindre.

— Une possibilité ? Tu m’impressionnes !

— Non, pas une solution radicale, mais une certaine philosophie. Oui, il suffit de l’accepter pour faire bon ménage. Quant à moi, je pense que l’unique manière de se défaire de la crainte de la mort est de prendre des risques majeurs. Mais à propos, revenons à ta question !

— Pourquoi le fais-tu, alors que tu me le déconseilles ?

Taguigue le comprenait très bien, seulement, il l’asticotait pour en extraire le maximum au cas où il aurait tu certaines informations. Sa sincérité, il n’en doutait absolument pas ; il le savait honnête et franc, incapable de lui jouer des entourloupettes. S’il avait éludé certaines questions en lui racontant ses précédentes tentatives, c’était uniquement à bon escient.

— Je le fais par fidélité, beaucoup plus par serment.

Taguigue le regardait, étonné, il ne s’attendait pas à une telle réponse. La Carpe en déduisit son embarras.

— Tu sais, mon cher Brahim – le véritable nom de Taguigue – ce serait un peu long à t’expliquer, mais sache qu’avant le départ, nous nous rappelions notre devise : « Tous pour chacun et chacun pour tous ». Nous prenions aussi l’engagement de parachever le travail tant que nous serions vivants et de multiplier les tentatives jusqu’à l’aboutissement, à la mémoire de ceux qui auraient trouvé la mort. C’était cela notre serment : réussir ou mourir.

— Si tu avais été noyé, penses-tu que les autres auraient continué.

— Oui, je le crois, lui répondit-il spontanément, au point que son ami en fut abasourdi…

— Comment peux-tu en être sûr, on Dieu ?

— Le contraire me parait impossible après ce que nous avions tous vécu.

— Ah, nous y revoilà justement. Allez, déballe tout, s’il te plait.

— Promets-moi d’abord de tout laisser tomber.

— Non, jamais vieux frère !

— Et pourquoi cet entêtement, vieille caboche ?

— Le serment, mon ami, le serment !

— Tu es vraiment incorrigible ! Bon, puisque tu es en plein dedans, je vais te raconter pour que tu saches à quoi t’en tenir.

— Je suis tout ouïe.

— Nous étions partis par une mer d’huile. Notre passeur avait la mine joyeuse et cela avait déteint sur l’ensemble des gars de fortune que l’infortune avait trimballé et regroupé sur cette plage qui avait, faut-il le souligner, un nom tout à fait cochon :
Oued-El-Hallouf. Nous étions vingt personnes exactement à avoir embarqué ce jour-là, vers trois heures du matin. Le moment fut choisi en raison des patrouilles de gendarmes et surtout des gardes-côtes qui étaient sur le pied de guerre. Une dizaine de récidivistes accompagnés de neuf nouveaux candidats, dont une jeune et belle fille d’à peine dix-huit ans. Je disais donc, la mer était calme et aucun souffle ne venait troubler sa quiétude. On n’entendait que le rugissement du moteur qui fouettait ses chevaux pour fendre l’immensité marine qui s’offrait à perte de vue, un désert plein d’eau qui n’en finissait pas de se faufiler sous la quille de la barque qui glissait avec nos espoirs. Tout le monde se taisait, écoutant les ordres du passeur qui, en connaisseur, ordonnait telle ou telle manœuvres, qu’on se devait d’exécuter à la lettre pour ne pas mettre en danger tout l’équipage.

L’ambiance était bon enfant et nous espérions apercevoir les côtes tard vers le soir. J’avais quelque chose d’accroché au cœur ; je ne pouvais croire à cette paix translucide. C’était trop beau pour être vrai. Tout baignait dans l’huile depuis le départ et cela ne présageait rien de bon. C’était en fait le calme qui précédait la tempête. J’avais récité des déprécations pour vaincre le mauvais sort et j’attendais, fiévreux, en scrutant le ciel. Je fus sidéré : les étoiles que j’apercevais tantôt ne diffusaient plus leur clair-obscur. Un coup de vent se préparait, car l’on sentait son souffle nous accaparer par tous les bords. Oh mon Dieu ! Faites que la mer dormante ne se réveille pas, avais-je intérieurement imploré.


Tout à coup, le ciel nous surprit. La tempête était là. Le vent nous ramenait jusque dans nos oreilles, avec ses sifflements stridents, le bruit amplifié des montagnes qui s’écroulaient au loin. Le passeur fut tout aussi stupéfait que nous. La peur le saisit autant que nous. Cependant, il demeurait le maître à bord et on le voyait déployer tous les efforts pour maintenir à flot notre barque qui s’en tirait à merveille, quand même. Le vent s’amenait, aplanissait la surface encore docile de l’eau qui se prêtait à son jeu. Puis, la mer se creusait sous notre chaloupe qui s’enfonçait éperdument dans le trou géant laissé par la flotte qui se reconstituait de l’autre côté en une muraille gigantesque qui nous cachait une bonne partie du ciel au-dessus de nos têtes. On sentait les vagues se gonfler, murmurantes et menaçantes, autour de nous et l’on devinait que le plus dur était à craindre. Soudain, un éclair fulgurant déchira la nuit en dévoilant des nuages sombres et inquiétants. Il fut suivi par un tonnerre foudroyant dont le grondement s’abattit comme une explosion dans nos oreilles. La pluie entra en scène ajoutant de l’eau à l’eau. Le ciel et la mer, de connivence, se refermèrent sur nous. Des murs d’eau nous assiégèrent en un rien de temps. Nous étions encore loin de la terre ferme. Nous étions sérieusement engagés, au vu du temps qui s’était écoulé pour espérer rebrousser chemin. D’ailleurs l’aurions-nous pu ? J’en doutais fort au point où en étaient les choses. Le passeur se démenait pour maintenir le gouvernail, mais celui-ci refusait de le suivre dans sa manœuvre, car il était inutile sans le moteur qui avait rendu l’âme.

La pluie tombait à torrent et la barque tanguait dangereusement. L’eau nous arrivait presque aux genoux et tout le monde se mettait de la partie pour vider la quantité qu’il pouvait. On déséquilibrait sérieusement notre embarcation, tellement nos mouvements étaient désordonnés et irréfléchis. Au bout de quelques minutes, la pluie cessa de nous tourmenter, mais la mer aussi démontée continuait de nous secouer. Le vent rageur soufflait encore, pour emporter plus loin l’orage qu’il avait amené sur notre route. Du sommet d’une lame où notre barque était ballottée, le passeur cria comme un homme égaré : « nous sommes perdus ». Des pleurs étouffés se firent entendre parmi nous, puis éclatèrent de plus belle dans une hystérie dont seule la peur en avait le secret. Nous étions tous en proie à la terreur. Les anciens comme les nouveaux, nous étions tous dans le même bain, dans la même frayeur. La petite sœur, perdue dans son coin, l’air hagard, avait les yeux rivés sur l’eau qui lui arrivait de toute part. L’onde se creusa et nous nous enfonçâmes dans le trou, avec cette sensation de nausée qui vous saisit aux entrailles et qui ne vous relâche qu’une fois que vous les aurez complètement vidées. Totalement sidérés, nous nous élevions sur le dos d’une autre lame, plus dense et plus vertigineuse. Nous n’avions que nos yeux pour chercher dans nos regards, un quelconque espoir. Nous vivions un supplice qui n’avait d’égal que notre étourdissement à monter sur les flancs des lames montantes et à se précipiter dans le gouffre amer au milieu des écumes de celles descendantes. C ‘était comme si nous étions morts et qu’on descendait notre cercueil dans une tombe collective. Nous étions ensemble et chacun était enfermé dans une solitude aussi immense que la désolation des ténèbres infernales qui nous entouraient. C’était un enfer indescriptible. Les monts et les creux se succédaient, rapides et sans fin. Ballottés et transportés à leur gré, nous attendions le moment fatidique où la barque se disloquerait, nous jetant dans la gueule géante et glaciale de la mer houleuse et déchaînée. Le vent, plus fort encore, comme s’il était mécontent de notre sort, s’acharnait de plus belle sur celle-ci en la soulevant de tous les bords. Celle-ci, comme habitée par un démon, bouillonnait furieusement en confectionnant des déferlantes qui, faute de place vitale pour fuir l’enfer, s’amoncelaient sur elles-mêmes dans un roulement extraordinaire, puis s’éparpillaient ensuite avec fracas en se mêlant à la folie d’autres paquets de mer. Je ne peux affirmer si nous avancions ou si nous tournions en rond, tellement nos têtes, prises dans le tourment et la tourmente, ne percevaient plus cette notion d’espace et de temps. Puis, survint ce que tout le monde redoutait, attendait, mais n’espérait point. Une grosse lame, ou petite, je n’en sais rien, s’engouffra totalement dans notre barque en nous expédiant dans tous les sens. Et là, tout sombra. Je me suis retrouvé coincé entre le passeur et la jeune fille qui grelottait de peur et de froid. On entendait, dans la bourrasque, le claquement involontaire de ses dents, témoignant ainsi de la profondeur de sa détresse et de sa misère.

Cela faisait plus de six heures depuis que nous avions quitté notre plage et il faisait toujours noir. Cependant, on apercevait quand même la lueur de l’aube qui pointait alentour, alors que la mer retrouvait ses plus basses ardeurs.
Transis de froid et de peur, nous attendions notre heure, accrochés l’un à l’autre et surtout au passeur qui portait un gilet de sauvetage. C’était peut-être cela notre aubaine. Nous fûmes sauvés in extremis par ceux qui nous faisaient continuellement la chasse. J’appris par la suite que nous étions les seuls rescapés de notre naufrage.

La Carpe se tut un instant avant d’annoncer :

— Observons une minute de silence ! Prions pour ces guerriers de l’eau, pour la paix de leurs âmes.

Joignant le geste à la parole, il se mit à psalmodier des rogations dans ses mains unies à hauteur de son visage…

Taguigue se tut à son tour en réprimant une pensée.

L’instant se creusa en une éternité.

— Puisse Dieu vous accorder sa miséricorde ! Clôtura la Carpe, les larmes aux yeux.

— Amen, Dieu des mondes ! répondit Taguigue d’une voix émue avant d’ajouter :

— Et tu comptes toujours recommencer ?

— Tu sais, j’aurais peut-être eu l’idée d’arrêter, mais le passage à tabac et l’interrogatoire crapuleux qui nous a été réservé par les autorités me poussent à tenter le diable plutôt que de rester là, subissant les pires avanies dans ce pays. Nous avons été humiliés dans nos corps et nos âmes. Par contre, notre deuxième tentative fut presque une réussite, nous avons foulé le sol italien. Hélas ! Nous avons été surpris par les carabiniers. Nous avons été choyés, nourris, habillés et bien reçus par ceux censés nous balancer dans la mer sans s’apitoyer sur notre sort. Nous avons bénéficié même d’une assistance médicale spécialisée.

— Tu as raison, vaut mieux ne plus traîner dans le coin. Foutons tous le camp d’ici !

— Oui, moi je préfère rentrer… en Italie ! À bientôt, alors ?

— À bientôt ? Est-ce à dire que… ?

Ne s’attendant point à une telle tournure, Taguigue ne put exprimer convenablement tout ce qu’il voulait dire.

— Si ! Je suis l’organisateur et le passeur de ton prochain voyage.


Copyright © 2017 Benaissa Abdelkader

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lundi 16 octobre 2017

Un voyou dans la salle


Enfin, il vient de parler, l’idiot du village qui se prend pour un président. Parachuté par un lobby aussi malicieux que cynique, terrible que maléfique, il vient encore une fois péter plus haut que son c… heureusement que son derrière ne produit pas de bombes atomiques, autrement le monde aurait été dans une grosse merde nucléaire. Après avoir terrorisé les Nord-Coréens, le voilà qui récidive avec les Iraniens qui doivent vider le pays en se jetant à l’eau du Golfe persique arabisé par la force de l’Atlas géographique. Téhéran tremble en attendant le tremblement faisant suite à la colopathie nerveuse d’un showman pris par la folie des grandeurs. Trump se trompe de siècle, d’époque, de conjoncture, de pays, d’heure, de place d’auditoire, de mots e carrément de Planète.

Le verbe lui faisant défaut, il va puiser dans la poubelle verbale tous les qualificatifs sales qui font de lui un sacré éboueur politique des temps modernes. En moins d’une année, il a réussi la gageure de remettre en cause les engagements des États-Unis envers le monde et des pays tiers. Il a déjà récusé quelques traités sans aucune pudeur, car le système américain est basé sur le terrorisme d’État, sur l’impérialisme et l’expansionnisme. Menteur sans pudeur, il fait appel à la gestuelle pour appuyer ses dires qui ne sont que délire à l’endroit d’un pays qui lui a fait voir des vertes et des pas mûres. Sans honneur, il n’a aucun respect pour la dignité humaine qu’il bafoue à longueur de temps depuis qu’il a l’occasion de parler devant un parterre. Une puissance sans civilisation et sans histoire ne peut être qu’arrogante et meurtrière. Depuis sa fameuse campagne électorale où il a brillé par sa médiocrité et son animalité avancée, il ne cesse de dénoncer l’accord sur le nucléaire iranien et à le décrier à n’importe quelle occasion, jusqu’à en devenir obsédé. Tout ce raffut et ce cannibalisme primaire et enragé, c’est juste pour amener les Occidentaux signataires du traité à se rallier à ses idées. La rage au ventre et la folie au cœur, il se promet dans un langage animalier de « déchirer » ledit accord d’une façon unilatérale. Son insolence est tellement bestiale qu’il met dans le même panier et ses ennemis et ses alliés, ne pouvant discerner qui de l’Amérique ou de l’Iran est venu le premier. Cependant, toute honte bue, il se contenta seulement de ne pas le certifier, comme il doit le faire chaque trimestre et donc quatre fois de l’année. Néanmoins, cette maigre prestation a le mérite de corroborer la célèbre expression : la montagne a accouché d’une souris.


Un chacal dans la salle, aurait crié la chef de la diplomatie européenne, Madame Federica Mogherini, qui le mit au pilori en déclarant que le président américain n’a pas le pouvoir de mettre un terme à l’accord sur le nucléaire et ce juste à l’issue de son discours surmédiatisé. Cet accord conclu le 14 juillet 2015 sous Obama continue de susciter des questionnements dans les coulisses mafieuses de l’administration américaine et dans les cercles obscurs acquis à l’entité sioniste. Oui, il a permis la levée, mais juste une partie des sanctions « américaines », pour ne pas dire internationales (approuvées par le conseil de sécurité), imposées à l’Iran. Cet homme nommé président ignore que l’accord en question est seulement international, car il se conduit comme si celui-ci était bilatéral. Le respect de l’accord garantit essentiellement la non dotation de Téhéran de l’arme nucléaire. Sa remise en cause ou son rejet permettent à l’Iran le retour à la case départ et de s’en défaire royalement et totalement. Ceci permettra à l’Iran de multiplier les centrifugeuses (10 200 avant l’accord, 5060 après) servant à enrichir l’uranium pour avoir la quantité nécessaire à la fabrication de la bombe atomique. Le maintien de l’accord empêcherait la prolifération des armes nucléaires en ce sens qu’il constitue un précédent et une référence internationale.

Obama était-il si idiot jusqu’à mettre en péril les intérêts et la sécurité des États-Unis ? Que non ! Il a paraphé les accords en connaissance de cause. Tous les indicateurs montraient que l’Iran était à deux doigts de la bombe atomique. Justement, cet accord est venu mettre un frein aux capacités nucléaires iraniennes ou plutôt rassurer la communauté internationale, car l’Iran ne semble nullement intéressé par la détention d’une telle arme. Au final, l’accord coupe les ailes à l’Iran tout en lui assurant le droit de développer une filière civile. Qu’a-t-il Trump à courir derrière Obama et à démanteler ses réalisations à commencer par « Obamacare » ? Parce que, tout simplement, Obama a mis Netanyahou et Israël le dos au mur quand celui-là l’exhortait à attaquer l’Iran. Durant le mandat d’Obama, le lobby sioniste s’est attelé à élire aux États-Unis un président acquis à la doctrine sioniste et à l’idéal israélien.

L’accord a ouvert la voie à partir de janvier 2016 à la levée des sanctions internationales contre l’Iran. Malheureusement, celle-là ne sera que partielle, puisque les embargos sur les armes conventionnelles et les missiles balistiques sont maintenus jusqu’en 2020 pour les premières et 2023 pour les secondes. Cependant, les secteurs économique et industriel ont connu une certaine dynamisation, car la levée a permis d’attirer beaucoup d’investissements étrangers. Alors, pourquoi Trump s’entête-t-il à dénoncer l’accord ? Veut-il permettre à l’Iran de se doter de l’arme atomique ? Impensable ! Veut-il partir en guerre contre l’Iran en appui à Israël et Al Saoud ? Tout porte à le croire, car ces deux entités ont été pratiquement les seules à applaudir et à bénir les décisions de Trump qu’elles qualifient, d’ailleurs, de courageuses.

    Qu’il ne valide pas ! Qu’à cela ne tienne ! Finalement, ce n’est qu’un pétard mouillé, puisqu’il revient au Congrès (pas tout à fait acquis aux thèses de Trump) de décider ou de reconduire des sanctions contre Téhéran qui ne s’en trouve que renforcée. Oui, l’Iran s’en va gagnant, car à huit reprises, l’agence internationale de l’énergie atomique(AIEA) chargée de réaliser les contrôles et superviser les accords a reconnu le respect total des conditions par l’Iran. Pour la première fois, depuis des décennies, l’Europe et des institutions onusiennes épinglent les États-Unis. Le moins que l’on puisse dire, c’est promettant ! Ce qui est certain, les Américains n’iront pas au-delà du refus de certifier. L’Iran n’étant pas facile, ils savent mieux que quiconque qu’ils doivent payer un lourd tribut. Chaque jour que Dieu fait, les deux belligérants connaissent des frictions dans le Golfe persique et au Moyen-Orient et ce sont toujours les Américains qui lâchent du lest. S’ils savaient qu’ils s’en sortiraient vainqueurs, ils auraient depuis longtemps massacré les Iraniens.

Le Donald n’a pas mâché ses mots lors de son discours à propos de l’accord avec l’Iran. Puisant dans sa poubelle langagière, il ne tarit pas d’insultes envers ce pays qui n’a aucune frontière avec le sien et qui plus est à plus de dix mille kilomètres de distance. Fanatique ! Principal État soutenant le terrorisme et répandant la mort, la destruction et le chaos à travers le monde ! Voilà comment il décrit le seul pays indépendant dans la région. On a l’impression qu’il parle des États-Unis tellement ce qu’il dit colle si bien à son pays. Il faut être vraiment idiot  pour faire une pareille projection ; cela sonne comme un aveu ! En de termes qu’il croit pimpants et pédants, il annonce sa « stratégie globale » visant à neutraliser l’influence déstabilisatrice et contenir l’agression de l’Iran. Tu peux toujours courir mon vieux, les seuls agresseurs sont tes unités et tes croupions dans la région. Israélien de cœur et de peau, Trump mène les Etats-Unis vers le chaos, d’abord sur le plan intérieur où il renforce la mainmise de la caste bourgeoise sur l’ensemble des leviers, ensuite en politique extérieure où il met ennemis et amis dans un même panier. Toute la politique de son prédécesseur est remise en question pour la simple raison qu’Obama avait tenu tête au lobby sioniste quant à l’agression de l’Iran. Il avait même tancé publiquement Netanyahou en lui signifiant d’attaquer tout seul l’Iran, s’il en avait l’intention, puisque Israël était un pays indépendant. Joe Biden, alors vice-président, avait agi pareillement avec Al Saoud en leur disant que s’ils commettaient la bêtise d’attaquer l’Iran, il ne retrouverait même pas le téléphone pour appeler à la rescousse les Etats-Unis.

 Le golfe n’est point arabique. Il est plutôt américain, mais surtout persique. Avec plus de 50 bases aériennes et maritimes, plantées çà et là à travers ces royaumes et ces Emirats, ce coin et ces régimes ne peuvent être ni arabes ni musulmans. Tout le mal des arabes et des musulmans vient de cette région sous mandat britannique et américain. Seuls les imbéciles heureux au Maghreb comme au Machrek continuent à croire que ces gens-là sont les anges gardiens de lieux saints de l’Islam et les garants des musulmans. Si Trump nourrit une telle haine envers l’Iran, c’est parce que ce pays est en train de défaire tous les projets israélo-américains dans la région. Les hommes libres ainsi que les véritables musulmans doivent impérativement soutenir Téhéran. Il faut à tout prix libérer les Lieux saints, la Mecque, Médine et le Hedjaz de la secte maléfique représentée par Al Saoud, les diaboliques.

L’accord conclu entre Téhéran et le reste du monde est venu surtout enrayer le programme nucléaire iranien, puisque il diffère à 10 ans l’enrichissement de l’uranium à grande échelle. Il est beaucoup plus en faveur d’Israël et des Américains. Les seuls intérêts iraniens ne sont qu’économiques et les truands Américains n’ont pas encore libérer les avoirs iraniens en bafouant de prime abord l’esprit du protocole et ses conditions. Quand le voyou parle d’argent dont a bénéficié l’Iran à l’issue de l’accord, il faut entendre les biens des iraniens gelés par le Trésor américain. Une certaine somme a été libérée, mais sans les intérêts cumulés pendant plus de 30 ans. Finalement et tout compte fait, ce tapage fait autour du film Trump n’est que de la poudre aux yeux pour plaire à un certain lobby, satisfaire un lectorat pour le moins indécis et noyer les poissons  iranien, russe et nord-coréen. Ce n’est surtout qu’une stratégie médiatique pour tirer et sauver les marrons du feu. Ni plus ni moins.

Psychiquement, le Président américain accuse un déficit mental important en ce sens qu’il ne supporte plus de devoir certifier chaque trimestre un accord qu’il juge humiliant tout en attestant que l’Iran respecte ses engagements. Sioniste de cœur et d’esprit, il ne peut vivre périodiquement ce calvaire qui le met chaque trois mois hors de lui. Eh, oui ! La folie des grandeurs a un prix. Oui, monsieur Trump, tu vas devoir gérer tes crises et ton état mental quatre fois par an et seul dans ton bureau ovale. Oui, monsieur le petit et le grand malgré lui, tu vas devoir valider sans aucune chance de te débiner en confirmant que l’Iran est un grand pays. Oui, monsieur Trump , tu dois t’y faire à ce cauchemar qui va durer dans le temps tant que tu es président et ni le Congrès, ni les Saoud Benikelboune, ni les Yahoud Benisahyoune ne te seront d’aucun secours. Tu mourras seul dans ton cercueil où Khamenei te présentera chaque nuit un parapheur que tu feuilletteras obligatoirement jusqu’à la page de l’accord que tu valideras les poings, les pieds et la langue liés.

De supputation en supputation, tes conseillers que tu as chargés de te sortir de ce fâcheux guêpier ne pourront rien pour toi. Ni McMaster, ni Tillerson, ni Mattis ne pourront forcer l’Iran à changer d’avis, afin de l’amener à négocier un deuxième accord pour combler les oublis et les carences du premier. S’ils peuvent convaincre les Européens, les Iraniens sont d’un autre alliage qui ne plie pas facilement. Tes amis et toi avez réussi à vous offrir deux(2) mois de répit avant la prochaine obligation, à moins que la loi ne soit changée par les membres du Congrès. Seule cette institution a la possibilité de t’épargner ce calvaire, cette vrille et ce conflit. Cependant, si ce brigandage politique te permet de souffler, l’air que tu respires peut t’être coupé par les Mollahs que tu méprises et tances à longueur de temps. En tout cas , tu as raison de craindre pour tes valets et serviteurs dans le coin ; tu as raison d’appréhender les années sombres à venir si tu n’arrives pas à juguler le phénomène iranien. Sache qu’il n’est pas Arabe, il est Perse à l’origine d’une civilisation plusieurs fois millénaire. C’est foutu, tu ne pourras pas contraindre les tests de missiles iraniens, ni empêcher l’Iran de soutenir Hezbollah, la Résistance palestinienne, les Houthis yéménites et le régime d’Al Assad comme tu aimes qualifier l’État syrien, ni endiguer l’hostilité exponentielle de l’Iran à Israël.


Finalement, malgré ton animosité acharnée et ta rage justifiée et injustifiée, tu as abdiqué aux avertissements des Mollahs. Oui, tu as tellement crié et juré que tu as fini par avaler ta langue de travers et, ce, sans déglutir pour ne pas te découvrir. Oui, tu as finalement renoncé à classer les Gardiens de la Révolution comme organisation terroriste. Tu as été, quand même, un bon élève en apprenant bien la leçon. Le détroit d’Ormuz et le Golfe « arabe » seront désormais persiques et ta marine devra se plier au nouveau deal, sinon changer de cap et de direction.

vendredi 13 octobre 2017

Kurdistan : de Kurdaméricain à Kurdisraélien

Rien ne se fait au hasard dans cette géographie où le monde bâtard dicte sa philosophie. Tout est savamment pensé et réfléchi dans les moindres détails pour répondre à toutes les conjonctures. Des plans diaboliques sont sérieusement échafaudés et appliqués selon les circonstances qui leur sont favorables. Plan « A », « B », « C »… et autant de variantes qu’il faut pour mener à terme les différents projets. Alors que l’Irak et la Syrie commencent à voir le bout du tunnel d’une guerre terrible imposée par les États-majors occidentaux et leurs valets, l’Amérique ouvre la porte donnant sur un autre enfer dans la région. Oui, le pays kurde pouvait être irakien, iranien, turc ou syrien, mais il est d’abord américain et surtout israélien. En effet, de Kurdaméricain à Kurdisraélien, le pas est vite franchi pour morceler ce grand territoire arabe et musulman, afin de laisser le champ libre à la mise en place du grand Israël qui ne peut être qu’un espace juif.

Lors de l’agression et l’invasion de l’Irak par les Américains, ils avaient ramené à bord de leurs chars et blindés les deux frères ennemis, les Kurdes Jalal Talabani et Massoud Barazani. Plus tard, quand ils eurent démoli et occupé tout le pays, ils accouchèrent d’une nouvelle constitution sur mesure. Le premier fut nommé Président de l’Union et le second Président de la fédération d’Erbil, le futur État kurde. Je vous livre ici, un texte écrit en 2009 juste après l’agression de Gaza et la tenue du sommet arabe au Qatar :

Le sommet de Doha, un pétard mouillé ? Non, même pas ! Si l’initiative est louable, elle n’est pas venue à point nommé. Il aurait fallu à l’émir de se hisser ne serait ce qu’au niveau de la prestation de son excellence le président Hugo Chavez du Venezuela. En effet, celui-ci avait placé la dragée haute pour que les croupions arabes puissent l’égaler… geler les activités du chargé d’affaires israélien n’est point à la hauteur de l’événement et du sommet qu’on aurait aimé prometteur. Comme toujours, ils se félicitent d’une telle action. Le ridicule qui tue ! Cependant, il demeure un point positif : l’Israélien, le président palestinien pour ne pas le citer est mis à nu. Plus royaliste que le roi, il s’est joué de tout un peuple et de toutes les factions palestiniennes désunies. Question à un dinar : y a-t-il un Palestinien parmi les gens qui gravitent autour de lui ?

Un américain dans la salle ! Cela ressemble bien à un titre de film, seulement il ne s’agit point de fiction. L’organisateur du sommet aurait dû prendre ses dispositions pour exclure de ses invitations la marionnette irakienne dont les ficelles sont tirées par (et de) Washington. Il est clair que la Maison-Blanche veut lui donner une certaine légitimité en redorant son blason auprès des seigneurs arabes. Il trônait au milieu de ses semblables en ricanant très fort sur le dos de l’enfant de Gaza.

Finalement, les chefs d’États arabes qui se sont décommandés au dernier moment auront le bénéfice du doute. Ceux qui se sont abstenus dés le départ ont raté le coche de faire la zizanie.
Il est évident que sans la connivence et la complicité du « président » palestinien et de l’Égypte, l’agression de Gaza n’aurait pas eu lieu. Ces pavés dans la mare ne sauraient faire oublier l’Arabie saoudite, la cheville ouvrière derrière la déliquescence de la « famille » arabe. C’est grâce à elle en partie que l’Irak est à feu et à sang. L’Irak ne retrouvera jamais ni sa puissance, ni son rayonnement, ni sa géographie : le Kurdaméricain est né.

Le dindon de la farce dans tout ce marécage arabe n’est ni le peuple palestinien ni la ligue arabe, mais bel est bien Oum Dounia. Pour tout l’or du monde, je ne voudrais être à la place du président égyptien qui est à la merci du vent comme une vulgaire girouette. Il le regrettera toute sa vie et le pays des pharaons se souviendra éternellement de la déconfiture de la diplomatie de ses gouvernants. Israël se joue et se jouera toujours de tout Zaïm et de tout pays arabe. Les Israéliens ne sont ni myopes ni borgnes d’esprit. Ils ont la faculté du discernement et une doctrine qui leur dicte les règles de conduite : une politique claire. Ils y mettent le paquet en garantissant tous les moyens justement pour la réalisation de leur stratégie : leur doctrine est plus que sacrée. À l’opposé, nous aurions dû trouver une politique aussi claire que l’eau de roche, car l’avantage est là : le monde arabe connait bien les objectifs d’Israël et les moyens pour y parvenir.

L’Égypte pieds et poings liés ne peut plus jouer le rôle qu’elle s’était octroyé une certaine époque (celle du Raïs). Les choses ont évolué depuis et les peuples sont appelés à s’adapter à une nouvelle donne et avoir une nouvelle vision. Les pays signataires de Camp David ne pourront en aucun cas servir la cause arabe et encore moins palestinienne. Enchaînés, ils ne pourront que bénir les actions israéliennes en espérant « être » déchargés une bonne fois pour toutes de cet abcès qui handicape leur esprit. L’Égypte qui lutte contre les frères musulmans ne peut tolérer à ses portes un mouvement similaire, en l’occurrence le Hamas, quitte à le vendre à Israël. Elle se permet, alors, d’une pierre deux coups. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que le Président français a fait le déplacement en Égypte : s’assurer de la discipline de Moubarak en proposant à celui-ci de jouer le rôle de médiateur pour sauver la face aux yeux de son peuple et de l’opinion arabe. Moubarak lance, alors, l’initiative de paix en prenant bien soin d’épouser les idées d’Israël : il axe les efforts sur la reddition du Hamas. Il est vraiment étrange pour un médiateur de prendre parti. Israël tue en terrorisant et Moubarak terrorise en décourageant. L’Égypte officielle ayant choisi son camp, elle refuse le sommet de Doha tout en organisant celui de Charam el Cheikh » pour avorter toute « volonté » arabe. L’excuse de polichinelle fut le sommet économique du Koweït qui brilla par son américanisme avancé et pour cause : l’aviation américaine se tenait prête à partir de ce micro-État à intervenir pour soutenir et défendre Israël en cas de besoin.

L’Arabie et l’Égypte ont tout fait pour donner à Israël le temps de terminer la liquidation pure et simple des chefs de la Résistance affiliés au Hamas. Cependant, elles furent doublées par Israël qui leur faussa compagnie en leur coupant l’herbe sous les pieds. En effet, celui-ci décida unilatéralement le cessez-le-feu pour ne pas légitimer la représentation du Hamas. Par ce geste, l’État sioniste discréditait l’Égypte qui jouait au médiateur. Moubarak, affolé, tenta de tirer les marrons du feu en improvisant un discours proarabe et propalestinien. En fait, c’est en vain qu’il essaya de se refaire une virginité aux yeux du peuple égyptien muselé et face à l’opinion arabe éveillée.

Le traître Abdallah de l’Arabie riposte en trouvant la réplique à Doha. Il convoque les valets des yankees, les micro-États du golfe pour leur dicter la marche à suivre d’abord pour avorter l’initiative de l’émir du Qatar et ensuite souligner à Israël son appui indéfectible. Il nargue les pays arabes dits de fermeté. Au fait, où sont-ils passés ces pays-là ? Il est certain qu’il ne faut plus compter sur la Libye, « siadatouhou le colonel » s’est empressé, à la suite de la guerre de la démolition de l’Irak, de démonter toutes ses usines « douteuses » même celles qui conditionnaient la lessive pour crier sa vassalité. Vous trouverez au Kansas et en Californie un musée où sont entreposés tous les matériels libyens. Sur les frontons de ces musées, il est écrit : voici le résultat de la politique de Bush. Cerise sur le gâteau, il autorise une délégation officielle à se rendre en Israël pour illustrer ses idées de normalisation dans les faits.

Le Koweït, cette ville province, pays, État et émirat US, n’est pas moins une base américaine où se tient prête l’aviation US à intervenir au cas où Israël venait à être attaqué. Quant à l’Arabie, elle n’a d’arabe que le nom, puisque tout le sérail est américain de cœur et d’esprit et ne recherche que la luxure. Ces « Arabes » ont leur hobby : la chasse à l’outarde, cet oiseau auquel ils collent des pouvoirs « aphrodisiaques ». Ces princes s’intéressent beaucoup plus à la longévité de leurs zizis qu’à la cause arabe et encore moins à celle palestinienne qu’ils ont sacrifié à l’autel de la perfidie. La majorité de ces « pervers » passent leur temps comme s’il n’était que loisir à parcourir de larges territoires avec toute une armée de serviteurs. Moyennant finances, ils ouvrent toutes les frontières. De l’Inde à la Tanzanie, aucun principe ne résiste à la générosité des enturbannés. Ils changent de femmes comme ils changent de chemises, le kamis n’étant qu’un habit de parade et d’apparat. L’Islam, pour eux, n’est que l’opium par lequel ils tiennent leurs peuples en laisse. Ces princes sont charmants du côté du Maroc où ils entretiennent au gré de leur libido de luxueux boudoirs. Il parait que les fillettes de moins de quinze ans sont plus « succulentes » que celles de dix-huit ans. L’Arabie en fait est la énième étoile du drapeau américain. Les princes sont plus américains que les Israéliens avec lesquels ils partagent toutes les vues. D’ailleurs, c’est eux qui financent toutes les guerres et les opérations anti-arabes. Ils ont financé l’invasion de l’Irak et son morcellement. Ils servent de base stratégique aux troupes américaines et constituent l’arrière garde d’Israël. De là partira aussi l’invasion de l’Iran.   

Le colonel libyen va jusqu’à se décréter penseur universel. En philosophe autoproclamé, il clame à tout va et à qui veut l’entendre que la seule issue du problème palestinien réside dans l’assimilation pure et simple. En effet, il vient de signer un article paru dans le New York Times où il explique qu’il ne faut plus miser sur deux États (Israël et Palestine), un seul suffirait largement. Il ajoute que les Palestiniens et les Israéliens n’ont pas d’autre choix et qu’ils doivent sérieusement étudier cette éventualité. Entre les lignes, Kadhafi gomme Palestine pour les beaux yeux des États unis et Israël. Qui dit mieux !

Si nous nous permettons un petit regard dans le rétroviseur de la vie irakienne, nous trébucherons certainement sur l’histoire récente, mais ô combien tumultueuse du Kurdistan. En effet, depuis la création du premier parti en 1946 au moment où les Israéliens sous la houlette des Anglais préparaient la création de leur État, les Kurdes se sont toujours révoltés contre le pouvoir central, qu’il soit monarchique ou républicain, en Irak. Justement, c’est cet esprit rebelle qui leur assure une certaine légitimité. La célébrité de Talabani et de Barzani vient du fait qu’ils appartiennent à deux confréries différentes : Qadiriya et Achkabandia. Cet état de fait s’est répercuté d’une façon flagrante sur la scène politique où seulement deux partis principaux, le PDK et l’UKD se partagent les zones d’influence. Évidemment, cela ne les empêche pas de se faire la guerre au détriment de la cause kurde qui s’en trouve affaiblie. Comble du paradoxe, même la nature renforce cette différence en partageant le Kurdistan en deux régions bien distinctes : le Badhinan et le Soran.

À peine adolescent, Jalal Talabani adhère au PDK, le parti fondé par le père de Massoud, Mollah Mustapha Barzani, au moment où les révoltes kurdes connaissent une certaine recrudescence. En effet, depuis la création de ce parti, le sentiment d’appartenance kurde ne cesse de s’amplifier parmi la population. Au moment du coup d’État de 1958 renversant le roi Fayçal II et portant Abdul Karim Kacem au pouvoir, le jeune Jalal est déjà membre du bureau politique du parti, après avoir gravi les échelons en ralliant la clandestinité depuis Bagdad où il finissait ses études supérieures. Le PKD prend position avec le parti communiste irakien en faveur du nouvel homme fort du régime. Toutefois, cette lune de miel ne dure pas longtemps, car les promesses de concessions faites aux Kurdes ne sont pas respectées. D’ailleurs, c’est dans ce contexte qu’éclate l’insurrection kurde en septembre 1961 où brille le jeune Jalal encore une fois en dirigeant en tant que chef militaire, et les armes à la main, les fronts de Souleymanieh et de Kirkouk qui regorgent de réserves pétrolières avérées.

Alors que Talabani mène une bataille victorieuse, le chaos règne en maitre absolu sur l’Irak où un nouveau coup d’État en 1963 vient mettre fin à l’anarchie en propulsant le nassérien Abd-Essalam du parti Baath proche de Nasser au pouvoir. Jamal Abdel-Nasser caressant l’idée d’une République arabe unie englobant l’Irak, Jalal est dépêché au Caire pour expliquer et défendre les intérêts kurdes. Ce nouveau rôle est mal vu par Mustapaha Barazani qui voit en Jalal un adversaire et surtout un concurrent dangereux qui commence à acquérir une certaine notoriété régionale et internationale.

Je viens d’apprendre le décès de Monsieur Jalal Talabani que le Tout Puissant agrée dans son vaste paradis. L’oncle Jalal comme on l'appelle chez lui est parti en laissant derrière lui un pays en conflit. Affable et aimable, cet homme peu connu a tout fait pour garder l’Irak unifié. L’Irak perd en lui, un avocat, un médiateur et une partie de son histoire. Seul bémol, il aurait préféré que les forces américaines demeurent longtemps pour asseoir parfaitement la démocratie. Par respect, par compassion, je range, ici, ma langue dans son palais et ma plume dans son plumier… cet article sur le Kurdaméricain peut attendre quelques jours encore…à suivre...