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mercredi 23 mars 2016

Le repenti et le revenant

Quand l’État est imbécile, la médiocrité se hisse au rang de Général en ce sens qu’elle se singularise jusqu’ à déteindre sur tous ses rouages. La communication étant le nerf de guerre de la société de consommation, une chaîne de télévision dont la prétention dépasse les murs amovibles de l’information vient de créer l’événement. En effet, c'est un scoop, dans le jargon du milieu, je ne peux qu’admettre l’exclusivité. L’annonce est faite à grande pompe et, prestige oblige, l’on cultive le sensationnel et la sensation. Et comment ! L’on prépare les gens, l’on chauffe le plateau, l’on table haut sur un audimat d’exception. Enfin, monsieur est avancé ! Un bel homme, eut-on dit ! Courtois et rasé de près jusqu'à paraître imberbe, il sourit de toutes ses dents qu’il a su garder blanches, malgré la noire décennie et la rouge hécatombe. Il ne tousse pas, car non atteint de pneumonie qu’il a su déjouer pendant plus de vingt ans en parcourant monts et vallées.

Il se détend nullement inquiété en étalant avec hardiesse, il faut le reconnaître, sa richesse verbale pour tenir en haleine tout un peuple accroché à ses lèvres qui ne profèrent plus, comme par enchantement, des postillons de merde. Comme il est beau, il ressemble à James Dean et il fait du cinéma, le môssieur. Un acteur de premier plan parachuté par la magie d’un procureur qui, faut-il le souligner, a des affinités avec le microphone et la caméra qui filme la scène. Ah, cooptation quand tu nous tiens ! Autrement, comment expliquer l’enthousiasme démesuré des commentateurs à souligner l’exclusivité ? Avec tact et doigté, il débite ses paroles comme s’il prononce un discours ! Quelle pédagogie ! Un cours magistral mêlant histoire et géographie. Moi qui croyais connaître l’Algérie, je suis fait comme un rat devant ce seigneur auquel on déroule le tapis rouge de la télévision pour dispenser les diatribes et sa diarrhée. Cela sent la leçon trop bien apprise et il faut être con pour laisser passer une telle bêtise.

Il excelle dans les figures de style en nous distillant ses randonnées pédestres en faisant l’éloge de la horde sauvage qui polluait  l’Algérie entière avec cependant quelques arrêts sur image pour fustiger certains émirs sortis du droit chemin. Le pauvre énergumène ne représentait absolument rien, mais il rencontrait tous les chefs notoires de la nébuleuse terroriste. Oui, de Kada Benchiha à Droudkel, il connut presque tous les émirs auxquels il dispensa ses fatwas incendiaires pour les aider à mener le combat qu’il assimilait au djihad. Il lui a fallu vingt-deux ans de « djihad » au service de la cause extrémiste pour découvrir qu’il avait fausse route , malgré les innombrables tueries et massacres auxquels il prit part, certainement. Meskine, témoin juste des vestiges de la nuit horrible de Ramka, il s’insurge a posteriori contre ses auteurs. Un saint parachuté au milieu d’un essaim de « chayatines » serions-nous tentés de dire. Le malheureux a dû tellement souffrir au milieu de la vermine humaine que j’en ai les larmes aux yeux ! Je le revois tout seul, fragile et vulnérable, au milieu de gens sans foi ni loi semant la mort à tout bout de champ parmi une population isolée et désarmée.

Lui ne faisait apparemment que du sport et des randonnées en montagne. Jugez-en par vous-mêmes ! De la forêt de Mascara aux monts de Jijel en passant par la  Dahra et Zbarbar, il a mis deux ans à prononcer des fatwas et blanchir des consciences. Quelle belle performance en matière de brigandage et de tuerie. Sans pudeur aucune, il fait l’apologie du terrorisme en épinglant quelques pauvres émirs qui ont eu le malheur de dévier du droit chemin : le djihad. Il est là, débordant de santé comme un chacal qui vient de se repaître d’une carcasse animale. Goinfré comme un porc, il respire l’hypocrisie par tous ses pores en tenant en haleine un plumitif talentueux, peut-être, mais certainement naïf. Sobre et rassuré quant à son impunité, il égrène le chapelet de ses confrères morts, qui par pneumonie qui par embolie qui par crise asthmatique qui par famine qui par dépit et qui par combat fratricide. Jamais contre les forces réglementaires, mises à part deux brebis galeuses à la suite d’une  embuscade.

Alors qu’il manie sa langue fourchue, mon esprit est  taraudé par le feu de l’impuissance, car dans mon cerveau se répercute encore en écho le cri strident des innocents que l’on assassine lâchement et sauvagement. Il regrette beaucoup sa déviation. Alors que son géniteur, insuffisant rénal, avait besoin de sa présence, le maudit choisit d’être marginal. S’il avait été son père, cet enfant unique lui aurait été dévoué, mais il avait préféré Lucifer pour s’affirmer. Il déballe ses salades et l’on nous oblige à l’écouter radoter la vieille rengaine. C’est sûr, il n’a tué personne, pourtant d’après ses déboires, il a été jurisconsulte la campagne durant. Je reconnais à son langage qu’il a été prédicateur, car il a le verbe facile. La manière avec laquelle il manie les mots renseigne sur sa longue expérience dans la manipulation des masses, ces moutons de Panurge par excellence.

Il me regarde, me nargue surtout, car il sait qu’il m’a eu jusqu’au trognon par la faute de ces maquignons politicards. Soudain, il est absout de tous ses crimes et péchés capitaux par la magie de la législation en vigueur, j’ai nommé la réconciliation du législateur. Une réconciliation qui dure en longueur a contrario de l’effet escompté. Au lieu de la dissuasion, l’on ouvre grandement la porte à la récidive, un éternel recommencement. Oui, beaucoup de terroristes ne se sont repentis que pour recruter davantage de nervis. De grâce, Messieurs les officiels, épargnez-nous cette offense et ce mépris généralisé. Ayez du respect pour nos morts, les victimes de la horde sauvage ! Un peu de compassion pour ces milliers de blessés ! S’il vous plaît, un peu de pudeur et d’humilité ! Merde ! Livrez-le aux parents des victimes de Ramka et Had Chekala où des milliers, massacrés et outrageusement assassinés, hantent toujours les vivants !

À quelques lieues, un autre tapis rouge est déroulé au nez de la justice qui se cache comme une jeune  fille par hypocrisie. Toute virginité consommée, elle n’a plus aucune raison de jouer à la sainte nitouche, puisqu’elle a été touchée dans ce qu’elle a de précieux dans sa propre couche. L’on joue la fanfare, l’on allume les lampions et l’on danse le vieil air, les idées aux vents. L’on remonte le temps et les montres, l’on asticote son  jargon, l’on rince ses mots, l’on se met sur son trente-et-un multiplié par deux ce qui donne les fastes de soixante-deux. Tous les cadres sont présents et certains ministres ont même surpris les gens en annonçant à cors et à cris le retour du Saint. L’intouchable percussionniste prend tout le monde de court en mettant au mur des lamentations la justice lamentable qui court dans tous les sens sauf  dans celui des assises où l’on s’assoit la tête en bas pour voir le monde à l’endroit. Tous les gens sont heureux dans cette Algérie des miracles  sauf  un procureur  qui  se prit un moment pour un oracle. Il doit être bien à l’étroit dans sa tête et se sentir vraiment malheureux à l’ombre de l’échafaud où l’on prononce déjà sa sentence. Sonnons les trompettes à l’honneur de cet Algérien américanisé, ce sauveur à deux vitesses dont le regard fugace menace un certain procureur tétanisé. Oui, il n’avait qu’à ne pas émettre un tel mandat, d’ailleurs truffé de vices, à destination de la police mondiale. L’on ne s’amuse pas à ce niveau, toute chose a son importance. En tout cas, de deux choses l’une ! Soit l’un est voleur, soit l’autre est un véritable soûlard ! Verse-moi de l’amour dans cette coupe où mon cœur gigote en attendant l’éclaircie de mon esprit ! Vive l’Algérie !  

  

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