Enfin ! Le valeureux maître vient de fouler le sol de la Mecque révolutionnaire ! Ouf, il était temps qu’Alger mette les pendules à l’heure ! Bienvenue chez vous, Monsieur Al-Mouallem, parmi les vôtres et parmi mes mots qui sourdent de tous les pores de ma peau criblée de balles lâches et villes que l’espoir recoud en rafistolant les trous de la perfidie arabe assassine. Bienvenue, Monsieur, sur cette Terre de feu et de sang, où la dignité pousse comme un printemps dans le jardin de la vie; où l’honneur aussi grand que nos cœurs auréole notre pays de mille et une senteurs, un hymne aux fleurs de l’humanité. Trêve de pleurs aujourd’hui, même si mes yeux humidifient en produisant une eau aussi pure que le tarmac de feu Houari où l’esprit de Boumediene déroule le fabuleux tapis à la glorieuse Syrie. Je peux partir, maintenant, le cœur libre enfin et l’âme rassérénée. Oui, je peux mourir en m’ouvrant à la vie, car tu viens d’ôter de mon cœur cette lourdeur qui empêchait ma pensée de faire paître mes douces brebis. Qu’il est beau ce ciel si grand et si bleu ! Oui, il est beau malgré le rouge de nos blessures, le noir de nos décombres, l’obscur de nos meurtrissures, le gris de nos fêlures, le néant de notre futur, le présent de notre avenir et la réalité de notre devenir.
Pourtant, depuis ce matin, je n’allais pas bien. Alors que je devais être heureux en sirotant le vin précieux de Palmyre, la présence de Zénobie se fit sentir. Son ombre aussi floue que légendaire folâtre dans mon cœur où se terre une histoire spectaculaire. Septimia ! Au nom du sang qui nous habite et de l’amour qui nous lie de l’Ancyre à la Phénicie et de l’Égypte à la Syrie jusqu’aux confins de Rome, je te défie d’écrire mon nom sur l’Arabie. Oui, ma chère Palmyre, je t’admire et je te hais, car tu ne finis jamais de me détruire. Altière, tu sèches ton orgueil sur mon sacrifice infini. Ma mort sempiternelle est-elle un gage à ton bonheur, à ta vie ? Flotte autant que tu peux au vent de ma colère et n’oublie jamais que la hampe de ton drapeau prend source dans le socle onéreux de mon cœur. Gifle le temps jusqu’à ce qu’il extirpe sa folie de notre prairie où poussent nos cadavres en de jolis coquelicots.
Vivement, l’éclaircie dans ce ciel gris où l’Algérie me traîne depuis ce temps maudit où l’Arabe n’est plus cet enfant d’Arabie. Enfin, mon sang retrouve sa couleur d’antan où il faisait bon vivre dans mes veines et où mon âme éprise de mon cœur se saoulait d’oxygène de révolution. Enfin, j’ose regarder ce miroir qui me renvoie un visage algérien évadé de l’histoire. Je le toise et ses yeux aussi grands que ténébreux fouillent ma mémoire à la recherche de mon passé glorieux où je range mon testament. Ce soir, alors que je broyais du noir, Alger se mit au diapason de mon cœur en sonnant le tocsin de la fraternité belle et chère. Je peux maintenant étendre mon nom sur le fil ténu de l’histoire et étaler mon esprit sur le corps radieux de l’espoir. Alger l’authentique ! Je te remercie de me prêter cette heure à la teneur de ma vie pour vivre cet instant heureux, où il pleure un bonheur merveilleux. Bienvenue maître, l’élève et la leçon, à l’école de la patrie où les hommes sont des seigneurs dans la mort et dans la vie.
Je me sens tellement Syrien que Damas atterrisse en Algérie en cette heure de misère humaine où la mort est syrienne, où la perfidie est saoudienne. Oui, je le crie haut et fort, les traîtres sont arabes et la trahison porte le vocable d’Arabie. Comme tout être engagé, je suis en droit de me poser des questions, car il y va du devenir de toute une nation. L’Arabe n’est-il voué à demeurer qu’un sujet entre les mains d’un dictateur ? Est-il condamné à rester un éternel assisté, à avaler des couleuvres plus grosses qu’une géographie ? Est-il destiné à être seulement un administré, un numéro sur un registre d’état civil sans prétendre à la civilité ? N’est-il qu’une voix légale que l’on fait aboyer lors d’échéances électorales ? Est-il un animalcule sans esprit et dont la lettre n’est qu’un vulgaire alphabet qu’il faut cultiver dans les bas-fonds obscurs de la citoyenneté ? J’avoue perdre mon latin à feuilleter ce matin ce long questionnement qui prend forme de procès. Au fait, la justice est-elle alerte ? Ou bien faut-il la gifler pour qu’elle se mette debout ?
Revenons à nos moutons, sinon nous risquons de perdre le chemin de la République qui ne répond plus à l’étoile du berger, tellement il est fatigant de marcher par les temps qui courent dans cette contrée. Oui, atterrissons à l’aérogare d’Alger et amerrissons à son port à bord de cet engin amphibie qu’est la philologie. En effet, dans cette politique de chats et de souris, il va falloir courtiser la langue, décortiquer l’écrit à l’ombre des sciences humaines fragilisées pour sonder le champ de l’altérité. Al-Mouallem en Algérie sonne pour l’instant comme la seule vérité et l’on ne peut avancer en matière de réflexion sans le recours à la providentielle supputation. Tout d’abord, je me dois de me défaire de l’habit temporaire de la passion dont je me suis affublé pour dépeindre le côté cour d’un sujet à forte connotation politique. Il est impératif d’investir le côté jardin qui ne manque nullement de piment pour agrémenter un mets qui s’avère d’ores et déjà, on ne peut plus, frugal.
En effet, il faut être né de la dernière pluie pour croire à une déclaration de guerre déguisée de la part d’une Algérie qui ne rompt jamais les ponts avec les pays arabes, fussent-ils aussi félons. Justement, c’est cette même distance qui lui confère, son statut spécial à prétendre mettre la patte aux solutions du dernier quart d’heure. Cette neutralité, tout de dignité et d’honneur quant à l’ingérence dans les affaires intérieures de pays tiers, elle la prédestine à jouer un rôle de pompier surtout s’agissant de pays-frères. Cependant, cette venue prompte et soudaine, alors que la Syrie est en guerre, succède juste au départ d’un envoyé saoudien. Elle coïncide bizarrement aussi avec l’arrivée du ministre français des Affaires étrangères. En politique comme en diplomatie, il n’existe pas de hasard ! Toutefois, l’on peut noter le retournement spectaculaire des Saoudiens. N’empêchaient-ils pas justement les pays du CCG d’investir en terre algérienne ? L’on ne peut croire au miracle ! Cent milliards de dollars en dix ans, de quoi faire remuer Houari Boumediene dans sa tombe. Si le chef de la diplomatie française est là, c’est que la France veut imprimer à sa politique syrienne une nouvelle direction.
Au fait, quel silence achète-t-on ? De quelle connivence parle-t-on ? Comme vous l’avez remarqué, l’offre d’investissement est assortie, néanmoins, d’une condition et pas des moindres ! Est-ce la raison pour laquelle, Louiza épouse l’autocensure ? En tout cas, une chose est certaine, l’annonce n’est qu’un plouc diplomatique ni plus ni moins ! Toutefois, rien n’est à écarter, l’on peut à juste cause dresser le parallèle avec les pertes algériennes dues aux chutes du prix du baril et de la dépréciation continue du dinar. Connaissant les Algériens jaloux de leur souveraineté, il serait aléatoire de voir l’Algérie baisser d’un cran la règle fixant la participation des étrangers à l’investissement et permettre ainsi une clause dérogatoire. Cependant, comme le génie algérien est on ne peut plus malin, l’on peut déroger à la règle en jouant sur le principe de la répartition proportionnelle des résultats. Oui, l’on vient d’introduire dans le Code civil un article supplétif délimitant les bénéfices de chaque partie ; il stipule que les détenteurs de 51 % ne peuvent prétendre qu’à 20 % des bénéfices. C’est joli comme trouvaille ! L’on se joue des entourloupettes. Alors, qu’en est-il vraiment de cette compensation ? À mon humble avis, il s’agit juste d’une incitation encourageant l’implication de l’Algérie au règlement du conflit opposant les Saoudiens à la Syrie. L’inéluctabilité de la solution au niveau international impose aux Saoudiens d’anticiper pour sortir à moindres frais et sauver ce qui peut l’être surtout en matière de terrorisme et de droits de l’homme où ils sont vraiment acculés.
Du moment qu’il est permis de rêver, tout porte à croire qu’un nouveau front se dessine à l’horizon. En tout cas, c’est mon souhait ! Je rêve de voir la Ligue arabe dépassée par un embryon Algérie-Syrie autour duquel viendront se greffer tour à tour d’autres pays; tant que nous y sommes, pourquoi pas le Liban, l’Irak, le Yémen, la Libye, la Tunisie? Et osons l’insensé, l’Iran aussi! Ce ne sera plus une organisation arabe, mais une sorte de fédération d’États souverains, indépendants et résistants.
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