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mercredi 20 avril 2016

Monsieur le Président, mon ami, mon maître


Aujourd’hui, en tirant les verrous oxydés de ma porte, je me suis isolé avec ma raison dans la prison mentale de mon esprit où j’ai allumé une bougie. Je m’enferme dans le noir, juste pour voir de quel côté tu vacilles et pour pleurer aussi. Pleurons ensemble, bougie ! Toi, tu pleures ton sang ciré et moi ma vie givrée. Et si le noir te fait si mal, sache qu’il est majorité. Alors, je t’en supplie, pleure autant que tu peux et vacille pour un semblant de vie, un semblant de mort aussi. Et surtout, je t’en prie, ne parlons pas d’amour ici. Il se passe des graves de l’autre côté de la vie. Alors, ne parlons ni d’amour ni celui d’aimer, car l’homme que je suis, malgré les atours, les habits tirés, le nom qui luit, est un tombeau ouvert, dans un désert de folie humaine.

J’ai essayé à maintes reprises de comprendre et d’expliquer, mais la chose est tellement confuse et grise que je confonds l’entrée d’une mosquée avec le parvis d’une église dont on me refuse l’accès, quoique non interdit. Et ce soir, je sens dans le noir à la lumière diffuse que ma bougie est éprise de ma solitude et de ma terrible nuit. Alors, seul avec le bois de mon âme, j’allume mon cœur qui m’inonde de l’intérieur de sa belle lumière que personne ne peut ni atteindre ni éteindre. Je conserve à l’ombre de mes mots orphelins la lettre aurifère de ton image entière et les espoirs prometteurs de notre seul et unique destin. Monsieur le Président qui est le mien, je vous offre mes pleurs pour faire ensemble un bout de chemin. Monsieur le Président qui est le mien, ces vauriens qui vous entourent ne sont que des vautours au pourtour d’Algériens. Monsieur le Président qui est le mien, ces loups usurpant votre nom et votre fonction sont des sauriens au verbe lâche et des reptiles à la perfidie volubile.

Monsieur le Président, mon ami, mon maître, vous m’avez vu naître sous ce drapeau pour lequel nous avons dû nous battre et combattre avec le sang de nos parents. Mon auguste Président, je vous fais une lettre et mon dernier testament pour dénoncer tous les traîtres à commencer par le gouvernement. Je vous ai dit un jour, alors que le feu crépitait au milieu des nôtres qui s’entretuaient au service des autres, que nous sommes minés en dedans. Mon Président, mon maître, je vous fais le serment d’un authentique Algérien, aussi véritable que cette géographie algérienne et ce sang noble qui coule dans nos ruisseaux aussi bleus que nos veines. Oui, mon Président ! Au nom de Dieu qui nous prête la vie, au nom de l’amour qui nous unit, j’écris votre nom, en lettres d’or, sur le front de l’enfant à naître.

Mon ami, mon maître, nous n’avons plus le temps de nous écrire des lettres et de nous dire peut-être avec ou sans raison. Aujourd’hui, les gens sont plus stupides que les bêtes et plus idiots que des blaireaux. Oui, ces maquereaux qui ont plus d’un tour en tête pour nous mener en bateau à même l’océan givré de notre peau. Je pars en guerre contre ces saligauds sans honneur qui salissent notre dignité avec jubilation et alacrité. Monsieur le Président, au nom de tous mes frères morts et vivants pour la patrie, au nom de nos mères qui nous ont enfantés et perdus dans la douleur, au nom de notre noble rang, au nom de la décennie rouge et noire de notre histoire, quittez cette maudite Présidence, ce terrible mouroir.

En effet, je délire les yeux ouverts, car juste à voir votre état, l’on comprend que vous n’avez plus aucun pouvoir. Cependant, je continue à croire que ce n’est pas du tout fini et qu’il reste toujours ce maigre espoir pour sévir une dernière fois. Ma décision est prise, je vais déserter de ma tête et m’enfuir avec mes idées, emporter ma matière grise, loin de mon âme en apnée ; sauver ma pensée du naufrage ; ma réflexion tangue dangereusement et l’eau du marécage s’engouffre jusqu’à ma ligne de flottaison. Oui, les souvenirs bloquent ma porte et il faut que je sorte par le trou de notre mémoire qui veille notre histoire et notre veillée révolutionnaire au chevet de notre gloire. Ce soir, je veux partir à la tombée de la nuit en prenant tous les mots qui ont bon dos en ce crépuscule républicain où je cache mon regard des yeux clandestins qui me guettent comme des chiens.

Ces opportunistes gravitant autour de vous ont fini par creuser votre tombe dans le caniveau sale de leur esprit où ils tressent les masques hideux de l’hécatombe. Ces gens qui font de notre Algérie juste un fonds de commerce, et de Paris, leur patrie où ils ont leurs jolis appartements. Ils articulent en imitant la langue quand elle bute contre le palais, ils ont le pied à Alger et le cœur à l’Élysée. Excellence, je ne vous reproche rien, la maladie c’est comme l’amour, elle arrive quand on s’y attend le moins. J’en veux à ce quatrième mandat et à cette présidence qui vous refusent tout simplement le droit de tomber malade, le droit de partir en convalescence. Ils vous tuent au compte-gouttes dans cette perfusion macabre en vous faisant injecter à petites doses le bulletin de votre naissance.

Excellence, cela fait mal de voir des gens sans éducation ni politesse vous médire à longueur de journée à travers ces réseaux sociaux que les puissants ont inventés pour nous surveiller et nous conditionner. Il ne faut pas les en vouloir, car ils sont loin de la réalité dans leur cervelle d’oiseau où la raison s’est volatilisée. Et ces hommes politiques qui ont inventé la lune en découvrant les Amériques et les Indes réunies qui ne cessent de nous faire du mal par méchanceté, par légèreté en pensant dire vrai, alors qu’ils sont à côté de la plaque. Ils ne font que calomnier en exprimant leur malveillance, parce que vous avez été pour beaucoup dans leur bien-être et leur belle existence. Oui, ils ne sont que des dénigreurs qui décrient à longueur d’heures, qui critiquent par esprit maléfique, qui déblatèrent par folie, déprécient par hystérie, qui persifflent, raillent, bafouent, vilipendent, assaillent, insultent, diffament, imputent, éreintent, maltraitent et démolissent sans jamais reconnaitre ni au moins observer un minimum de respect et de bienséance.
À seize ans, un lionceau parmi les lions, vous avez mené la plus grande des révolutions qui nous fait relever la tête et hausser le ton quand il nous arrive par faiblesse humaine de perdre de notre fierté. À vingt-cinq ans, vous avez été la vitrine qui a rehaussé notre blason à plusieurs crans parmi les grandes nations. À sillonner les rues aujourd’hui, je rencontre cette jeunesse perdue qui éprouve un grand problème au niveau du pantalon qui s’amuse à taquiner leur fessier où se meurt notre honneur. Vous avez écrasé le volume horaire de tous mes amis pilotes réunis en moins de deux années en battant le record absolu du personnel navigant d’Air Algérie. Cela, juste pour réhabiliter le pays aux yeux méchants et complices de l’humanité. Et vous avez réussi ! Excellence, je vous fais une profonde révérence ! Vous avez utilisé votre agenda international d’amis et imploré vos connaissances pour faire fléchir le Club de Londres et celui de Paris pour nous acquitter de nos dettes pendant que leurs services nous aspiraient le sang. Vous avez pris la gageure de ramener la paix en Algérie où l’on se tuait, frère contre frère, pour juste une différence d’idées. À cette époque, certains chefs de partis et d’autres arrivistes avaient opté pour la chaise vide en prenant le bâton en son juste milieu. D’autres avaient tout bonnement quitté l’Algérie. En ce temps-là, l’on avait peur de son ombre et de ses parents et l’on rentrait tôt à la maison s’enfermer. L’on priait Dieu pour que le soleil ne se couche jamais, car la nuit était terrifiante et porteuse de tous les dangers.
C’est juste un rappel pour atténuer cette ingratitude de nos faux compatriotes qui ne cessent d’insulter tout un peuple magnanime et brave et dont la longanimité est proverbiale. Oui, ces gens sont ingrats, ils ne vous pardonnent pas d’avoir troqué votre belle vie dans les pays du golfe contre celle de la présidence comme si celle-ci était un paradis. Ils ne vous pardonnent pas d’être malade comme s’ils étaient dépositaires de leur propre santé. Ces gens sans pudeur ne peuvent en aucun cas respecter la dignité humaine. Qu’à cela ne tienne ! Notre marasme, Monsieur, est d’abord culturel. Nous sommes impolis par définition à l’exemple de nos speakers et animateurs de télévision qui parlent de Sellal comme une patate perdue sur un étal. Un gentil « monsieur » est interdit de séjour dans notre dictionnaire langagier.
Je ne suis pas en train de prononcer votre oraison funèbre, seul Allah est détenteur de votre vie, mais je suis en train de dissoudre dans le verre de mon âme pleine cette déformation professionnelle qui nous mine de l’intérieur. D’aucuns vont alerter la constitution et s’armer des articles de la vacance comme s’il était donné à chacun de vous chasser de la Présidence. Vous savez, comme de coutume, les gens de chez nous croient beaucoup plus le discours de France que celui de notre gouvernement. Cette maladie, j’en suis un peu la cause. Oui, cet accident vasculaire cérébral ne pardonne pratiquement pas et peut entraîner la mort, la démence ou la paralysie. Cette défaillance de la circulation du sang au niveau de l’encéphale est une urgence médicale. Tout retard dans la prise en charge peut s’avérer fatal.

Bizarrement, votre histoire me rappelle celle d’un vieux cheval de trait appartenant à notre district communal. Le char affecté au ramassage des ordures ménagères était tellement lourd que le vieil animal peinait à le faire bouger. Enfant éveillé, j’avais du mal à le voir souffrir chaque jour que dieu faisait. En effet, il était tellement vieux qu’il n’arrivait à faire un mouvement qu’après un effort colossal. L’on continuait à l’exploiter sans clémence ni pitié, alors qu’il aurait dû être mis en retraite et remercié pour services rendus. Le vieux bougre est mort à l’ouvrage accroché au lourd attelage qu’on eut du mal à l’en séparer. Cet être vivant a été surexploité une vie durant, car il n’a pas eu la chance d’appartenir à des êtres humains.

Cependant, je n’arrive pas à comprendre ce bal étrange et pas du tout masqué dans cette Présidence qui a l’apparence d’un véritable musée. En effet, il est vraiment bizarre de voir chaque fois des gens débarqués de l’ailleurs venir visiter comme si vous étiez un spécimen, un phénomène, une chose rare. Quoique je comprenne la maladie, je ne peux quand même penser que vous puissiez être atteint d’aphasie au point de laisser votre entourage disposer à sa guise de votre vie. Êtes-vous obligé de recevoir des maires français quand des ministres algériens se font sermonnés et humiliés ? Êtes-vous obligé de recevoir tout visiteur qui vient à fouler le sol algérien, alors que vous refusez d’accueillir des personnalités et chefs de partis tout à fait algériens ? Vous connaissant, j’en doute fort, Monsieur le Président, car je sais que vous aimez recevoir les gens autant que vous aimez les feux de la rampe. Ces sombres gouvernants, fussent-ils vos frères et amis, vous ont transformé en « homme éléphant ».

Éléphant Man ? Je l’ai vu, il y a de cela longtemps déjà. Votre image, ce soir, me le fait resurgir avec crudité de ma profonde mémoire. Ô comme j’avais détesté la salle de cinéma d’alors, le réalisateur ainsi que le producteur. Je ne pouvais accepter une telle misère humaine, une telle déliquescence d’esprit. Et ces Londoniens, outrecuidants et assoiffés d’exotisme, qui sont venus nombreux satisfaire leur curiosité et leur sadisme, juste pour découvrir et se distraire d’un pauvre hère que la malformation avait rendu bizarre. Oui, Monsieur le Président, cette image de vous hilare et les yeux hagards a dressé ce triste parallèle dans mon cerveau qui refuse, néanmoins, de croire à ce macabre tableau.

L’Algérie est malade, Monsieur ! Je ne comprends pas l’engouement de ce gouvernement à recevoir l’ennemi d’hier, d’aujourd’hui, et de demain, aussi. Oui, la France ne peut en aucun cas être un pays ami, d’autant plus qu’elle n’est plus gouvernée depuis longtemps par de véritables Français ! Une presse libre aurait refusé d’accompagner Valls, dût-il être Premier ministre, ne serait-ce que par solidarité avec le journal et les journalistes incriminés. La France périclite au gré des droits de l’homme qu’elle foule au pied de la Tour Eifel et qu’elle jette dans les flots de la seine comme ce fut le cas avec les bougnoules que nous sommes un certain octobre 1961. N’est-ce pas, monsieur Papon ? Et vous, Monsieur le Chef du gouvernement, n’êtes-vous capable qu’à refuser des « fizas » ? Ne faut-il pas justement ajuster les bretelles à ce con, sinon les lui enlever carrément ? Ne vient-il pas d’attenter au symbole de la Nation sans être inquiété ? Je vous prends au mot, monsieur le phraseur, rappeler à l’ordre le fauteur de trouble par qui est venu notre malheur.


Pouah ! C’est puéril comme décision, puisqu’avec ou sans Le Monde, la presse française était là. Quelle impéritie ! Vous voyez l’arbre, mais ne voyez point la forêt. Valls, avec sa kippa au fond des fesses, ne peut être que malicieux et son coup lâche et perfide ne peut être juste une maladresse. Quant à l’obligation de réserve, il n’en fit qu’une bouchée, car il ne peut être seigneur comme celui qui lui a fait l’honneur de le recevoir ni un preux chevalier accomplissant son devoir. À la place de Sellal, je l’aurais giflé avec le Dey tout entier et que 1830 se répète. À bord de la Goélette, je ne ferai alors qu’un seul pari, celui de prendre Paris avec ou sans castagnettes. Par les sept portes que garde Eifel et par les singes du quartier de Brel, par le bruit confus de Montparnasse, par le silence complice du Père-Lachaise, par les fantômes de la place Vendôme et les bois sexy de Boulogne, je vous défie et vous attends au tournant de la vie et de la mort aussi.

2 commentaires:

  1. Lire, relire, comprendre, réfléchir et... ne rien dire. Reprendre puis à vous le choix, en rire ou en pleurer. Merci, brave Sy Abdelkader. Une larme.

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    1. Sy Benatia, c'est un honneur de te savoir sur mes textes , grand frère!

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