Le « havane » incandescent reposant sur le cendrier fumant de mon cœur est amer en cette heure où le temps se fige dans le cadran solaire. Le goût ocre du tabac s’enroule comme un serpent autour de mon âme qui gît sur le hamac d’où s’envolent en volutes éternelles des bouffées d’or et d’argent enguirlandées d’espoir et d’azalée. Fidèle à tes idées et principes, tu as été toujours rebelle aux senteurs du Colorado, car tu portes en toi les gênes de la belle Santiago où Cuba la sublime se pavane comme notre seul et ultime Eldorado. Hé, Castro ! Tu as été un cas triste et de trop pour cette Amérique anticastriste dont l’entrechat ignore totalement le fandango. Je te revois enfant sur le banc de cette école où tu es si brillant malgré le mal et la trahison de celle chargée de ton éducation qui te délaisse à l’abandon au milieu de la faim, du froid et de la peur du lendemain.
Oui, Fidel ! Fidèle à toi-même, tu te rebelles à Dolores contre cet instituteur autoritaire qui te fait fuir le collège où tu fus une lumière face à son alacrité. Ce matin, alors que je sirote mon café, je bois ton enfance que la misère et l’iniquité ont balisée. Oui, le seul bonheur à cette époque-là venait de ton professeur qui disait que tu étais une lumière que Dieu dans sa majesté a créée pour éclairer l’obscurité monstrueuse de La Havane. Il a vu juste Le Père Armando Llorente en prédisant que tu rempliras merveilleusement, de pages brillantes, le livre de ta vie qui se déroule comme un riche tapis juste devant le parvis de notre esprit sublimé. En effet, Monsieur Armando a été un grand visionnaire, car il ne peut oublier alors qu’il était emporté par les eaux furieuses de cette rivière en folie, toi, l’enfant, son meilleur élève, tu lui sauvas la vie.
Oui, mon ami, il fallait être Castro pour dénoncer très tôt les bandits du BAGA au service de la présidence de Cuba et être un homme de droit pour s’élever contre le président Ramon alors que tout autour l’on vivait son adolescence en flirtant sur les airs de la Samba. À vingt-deux ans, pendant que l’on suçait encore son biberon où flottait le drapeau de maman, tu débarquais à Cayo Confite, loin des côtes cubaines, aux côtés de Juan sur les rives dominicaines. Généreux, tu prêtes ta vie à Bogota dans les rues de la Colombie.
C’est à perdre son latin ce langage ordurier américain de bon matin fustigeant un révolutionnaire en le réduisant à un vil dictateur. Détrompe-toi Monsieur Trump et arrête de claironner aux sons de ta trompette des insanités verbales à l’encontre de la moitié de la planète. Malgré ta fortune et tes nouvelles fonctions, ton nom ne peut briller autant que ce monument de la révolution.
Te souviens-tu de Batista ? Ce général a totalement oublié dans sa folie meurtrière qu’il y avait à Cuba un homme appelé Castro qui n’avait ni froid aux yeux ni peur. Cuba sans Castro, c’est comme une rivière sans eau ! Et La Havane sans Fidel, c’est comme une révolution sans rebelles ! Oui, j’entends encore le crépitement des balles à la caserne Moncada de Santiago où tu fus penseur, meneur et guérillero. J’entends toujours le bruit de chaines et de longs couteaux en ce jour malheureux dans la ville de Bayamo et je ne peux que me courber devant le courage du sergent Pedro qui était chargé de te trouer la peau.
Batista a pris avant toi la clé des champs malgré les quinze ans où tu as passé au compte-goutte ta vie en prison jusqu’à cette amnistie qui te mena de Santiago à Mexico où naquit au fond de ton esprit le Mouvement du 26 juillet.
Tiens bon la vague et tiens bon le vent
Hissez haut Mexico
Si Dieu veut toujours droit devant
Nous irons jusqu’à Santiago
Tiens bon le cap et tiens bon Ernesto
Hissez haut Mexico
Sur le Granma qui fait le gros dos
Guevara en compagnie de Castro
Tu es parti en silence en pleine nuit en me laissant parmi des mots qui fuient au milieu de la phrase qui se lamente pour dire les maux qui serpentent à travers le langage. Pourtant, tu as résisté à des centaines d’occasions que la CIA t’a offertes en guise de fleurs chaque saison et aujourd’hui une certaine Amérique te pleure et une autre te maudit parce que tu lui as fait mordre la poussière. Immortel, elle ne pourra jamais t’atteindre ! Ni elle ni ses onze présidents ne pourront s’émouvoir sur ta tombe, car ton ombre les poursuit jusqu’au fond de leur vie faite de ruines et de décombres. Habités par ton spectre et hantés par ton fantôme, ils déambuleront de la Maison-Blanche à la place Vendôme en passant par Birmingham et Amsterdam en traînant leurs âmes déchues comme des chiennes de compagnie que promènent leurs femmes qui se prennent pour des dames aux bras de leurs maris.
Alors que les tocsins résonnent, d’autres sons de cloche carillonnent d’Ottawa à Miami où l’on festoie sans pudeur aucune en laissant éclater sa joie sur le parvis de la bêtise humaine qui se prend pour une église à la mode américaine où des Cubains américanisés, allaités aux Donalds castrés devenus par la force du législateur de vaillants sujets, jappent et aboient plus que le roi qui les a vassalisés.
Je suis en berne à contrario de cette capitale helvétique qui aurait dû répondre à l’appel, mais n’empêche, Fidel, je te dédie tout un pays plein de millions de révolutionnaires qui a été de tout temps rebelle et qui porte le nom de l’Algérie. Je suis en berne comme l’âme de notre président que je salue en passant d’avoir pris les devants de la scène en décrétant le deuil national à toute la population. Je lui suis reconnaissant d’avoir apaisé mon cœur où un incendie ravageur a emporté toute ma raison, car tu es plus arabe que ces Arabes à la con qui manient leur langue juste pour diluer leur venin.
Tu aurais pu être américain de cœur et de peau, tu aurais été investi de tous les pouvoirs et de toutes les faveurs des pays occidentaux. Tu aurais évité ces centaines de complots et ces dizaines de tentatives d’attentats attentant à ta peau. Tu aurais évité ce bain froid à la Baie des Cochons où des chiens plus cochons que des grenouilles sont venus te savonner avec leur lessive sentant le poltron. Mais, faut-il le souligner encore et encore, encore et toujours, qu’il faut être Castro pour prétendre à un héros.
Je ne pleure pas. Peut-on pleurer la bravoure quand elle enjambe les marches du Panthéon ? Pleure-t-on la mort qui s’invite à temps pour immortaliser un lion ? Castro est plus grand qu’une douleur, il est le bonheur suprême de tout homme libre sur cette Terre où les chiens des hommes sont plus hommes que leurs propriétaires. Ramenez tous les drapeaux et souquez ferme, matelots ! Castro en vue, larguez toutes les amarres ! Un canoë à l’eau, je veux boire l’océan, et au moindre atome de ma peau, crier mon lamento.
Tu viens égrener un long chapelet où le bon grain est séparé de l’ivraie dans cette histoire à plusieurs paliers où l’homme ce bipède intronisé à la manière des singes de mon quartier que mon ami Brel aurait dû toujours chanter. Oui, en matière de fidélité tu portes le nom Fidel et cela se vérifie puisque tu rejoins les amis du premier maquis Lumumba, Nasser, Mandela, Chavez et le Che. D’autres, aussi connus, vont te recevoir dans leur jardin en fleurs en passant de Boumediene, Benbella et Arafat à Bolivar et Pancho Villa.
À quatre-vingt-dix ans, tu es parti très tôt en restant dans nos cœurs. Tu vas pousser comme une fleur à la source de notre sang et tu flotteras au mont de notre cerveau où sera accrochée à jamais la hampe de ton drapeau. Tu veilleras comme une lumière sur notre esprit où vacille toujours le feu de notre bougie que le temps ranime de son souffle infini à vie !
Tu es parti sans avertir et sans crier, toi qui as le verbe facile quand tu te mets à discourir. Tes discours se souviennent de tes mots que tu martèles avec ta longue barbe qui pend comme un maquis où se cachent les frères guérilleros de l’Amérique latine venus écouter tes paroles que tu tartines au miel de ton cœur.
Tu es parti vers d’autres amis dont le sang est si cher qu’il a inondé la Terre entière en laissant sur le corps de la vie des traces indélébiles pour rappeler aux imbéciles réfractaires et aux différents détracteurs et à tous les dictateurs que la révolution est tellement noble qu’elle ne pousse que dans le cœur des hommes dignes et fiers et qui ont le sens de l’honneur.
Repose en paix ô père des révolutions et des révolutionnaires ! Il est l’heure de baisser les rideaux à l’extinction des feux et de tous les lampions. C’est à la lueur de ton chemin lumineux et à l’ombre de tes frères de terrain que le soleil brillera sur tous les cimetières de la Terre où il poussera de jolies fleurs annonçant aux hommes de demain que la liberté est tellement chère qu’il ne faut jamais la mettre en danger. Adieu frère d’armes ! Adieu Comandante !
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