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dimanche 27 août 2017

La débâcle arabe

Le ciel ne présageait rien de bon en cette journée morne et terne dont la platitude ajoutait à la solitude mentale de Yatim qui se débattait contre mille et un cauchemars. Une vilaine tempête sévissait sous son crâne où des vents soufflaient aussi fous que déchaînés. La veille, alors qu’il suivait les informations, un porte-parole de la coalition syrienne remerciait élogieusement les Israéliens d’avoir bombardé un important site militaire à l’intérieur de la Syrie. C’était dit sans masques, sans réserve ni pudeur.
Autres temps, autres mœurs. Des Syriens autoproclamés révolutionnaires demandaient énergiquement l’intervention étrangère pour détruire leur pays et tuer leurs propres frères !
C’est évidemment le scénario de la Libye qui se répète avec, cependant, des acteurs différents. Seule, la contrée a changé. Un remake en fait ! Inadmissible et insensé, aurait dit un homme averti.
Néanmoins, lorsque la forfaiture est érigée en culture et la félonie en bravoure, il ne faut point s’étonner de voir de tels agissements. Tout devient vraisemblable et plausible.
Ces sacrés penseurs de l’ailleurs ont réussi à inverser la vapeur du train arabe qui déraille à tout va. La locomotive censée le tirer le mène à la dérive au-delà des attentes d’une certaine pensée néocoloniale. Yatim incrimine au premier degré cette élite de salon, avide de projecteurs dont le seul but reste et demeure la renommée, quitte à vendre sa propre terre. Un écrivain n’est reconnu comme tel que lorsqu’il met sa plume au service d’un idéal en prônant les valeurs dites universelles sans jamais tomber dans la facilité ou autre fausse alacrité. Il se doit d’être empreint d’une certaine philosophie à la proue d’un projet pour semer les graines utiles au devenir de son pays ou du moins éclairer le chemin en le jalonnant avec autant de repères qu’il est nécessaire. Hélas ! Caressant dans le sens du poil, notre élite ajoute au marasme inquiétant en alimentant sans cesse la mare du diable où ils pataugent comme de sacrés canards.
Les derniers écrits confirment un certain état d’esprit. Les Arabes et les musulmans deviennent des sauvages, des barbares sous les plumes de ces nouveaux chantres d’une littérature insolente et immorale. On profite de la misère du peuple irakien que l’on transforme en fonds de commerce. On ne recule devant rien, l’essentiel restant le gain. L’on vend son honneur pour crier à l’horreur en montrant du doigt le résistant. Pour ces écrivailleurs arrivistes, un homme épris de liberté et défendant son pays, un moudjahid et un fedaï sont toujours assimilés à des terroristes.
Un Afghan est forcément assimilé à un taliban qui est par définition pour ces messieurs dont le discrédit n’est plus à démontrer, un ogre, un monstre à exterminer. Quant aux Palestiniens, pour ces scribouilleurs de dernier cri, ils demeurent tous des morts en sursis. Projets de suicide latents, ils sont des porteurs de bombes patents, des hommes à attentat contre un État démocrate qui leur a tendu la main. Quand les Yankees envahissent, dévastent et détruisent l’Irak, l’Afghanistan, la Somalie, la Syrie, la Libye, le Soudan, le Yémen, le Liban, ces écrivassiers en font l’éloge et l’apologie, au nom de la démocratie qui les nourrit.
Qu’Israël défie depuis un demi-siècle les Nations unies, réunies et désunies ; qu’il tue en égorgeant les érudits irakiens lors des bombardements de la Tempête du Désert ; qu’il attente à la vie des savants Iraniens en territoire iranien ; qu’il assassine les civils palestiniens, les emprisonne, les déracine, les déplace, les efface, ces gribouilleurs de dernière génération ne trouvent rien pour dénoncer tous ces massacres, ces turpitudes et ces exterminations. Et que dire du Bahreïn, cet éternel oublié de la scène internationale ? Où sont passés les détenteurs des droits de l’homme, les faiseurs de révolutions, les chantres de la démocratie ? Au fait, le Bahreïn appartient-il à la ligue arabe ? Dans quelle planète figure-t-il ? On ne voit rien et on n’entend rien, l’Émir peut sévir !
Yatim déambulait comme un fou dans la ville en cette journée de décembre. Il avait l’impression de marcher au milieu des décombres. Oui, des ruines respirant tristesse et désolation desquelles la vie avait déjà fui. Il n’y avait que des ombres chinoises ou autres, mais certainement pas arabes. Ceux-ci ne disposent que de vestiges à léguer à la postérité par-delà l’histoire sombre qui se fait à leurs dépens, autour d’eux et sans eux.
Les Arabes ne savent que pisser sur du sable pour ne laisser aucune trace de leur passage dans ce désert mental où ils excellent en ermitage. Depuis cette fameuse soirée où les Yatim offrirent un copieux repas à leurs amis, Yatima ne reconnaissait plus son mari. Cela faisait plus de deux mois déjà. Pourtant, les choses n’avaient point avancé. Pires encore, elles ne faisaient que péricliter. Yatima pressentait quelque mauvais présage pour son ménage qui risquait de faire banqueroute à tout moment. Malheureusement, elle ne se sentait pas de taille à redresser la barre. La « maladie » qui taraudait son homme de son intérieur était profonde, sournoise et pernicieuse. Elle le voyait se consumer sans pouvoir agir d’autant plus qu’elle ne comprenait ni ses problèmes ni ses inquiétudes.
Ah ! Comme elle aurait aimé déchiffrer tous ces mots qu’elle trouvait, chaque jour, alignés sur un tas de feuilles éparpillées sur le bureau. Elle n’avait jamais dérangé ce désordre de peur de brouiller un ordre déjà établi. Elle faisait semblant d’épousseter et de nettoyer puis sortait triste et désolée.
Il avait noté quelque changement dans la conduite de sa femme, mais pas au point de s’en alarmer. Toutefois, il la comprenait, lui donnait raison. Cependant, alors qu’il marchait tel un automate huilé et remonté, son esprit butait quand même sur les premiers instants de leur rencontre, de leur union. Il y avait quelque chose de beau qui flottait dans la brume de son cerveau charcuté : son sourire timide la toute première fois où il parla à ses secrets. Ce sourire-là, il l’avait accroché à la hampe de son âme comme un inaltérable drapeau.
Il va sans dire qu’il l’adorait, mais la concurrence s’annonçait rude par les temps qui couraient. Il aimait tout ce beau monde accroupi au fond de son cœur et dans les moindres plis et replis de son être meurtri. Depuis, les événements tragiques d’Algérie, il ne cessait de vivre dans sa chair une souffrance infinie. Cela continuait avec les déboires du printemps arabe qui le broyaient à chaque instant que Dieu faisait. C’était hallucinant ! Des pays dépourvus de toute constitution tiraient les ficelles des révolutions arabes. Si le printemps était vrai, il aurait dû fleurir dans ces autocraties.
La ville ne ressemblait plus à rien. Même les gens aussi anonymes que ténébreux ne représentaient plus rien à ses yeux qui ne voyaient que les débris du temps affichés en manchettes, à la une des journaux. Seul l’emblème de Yatima arrivait à aérer ses idées qui l’étranglaient en occasionnant un embouteillage immense au rond-point de son cerveau. Celui-ci ahanait pour surmonter la faillite mentale dans laquelle l’enchaînaient ses pensées.
Il marchait, l’esprit déconfit, ne sachant où mettre les pieds pour fuir la réalité qui ne cessait de le rattraper. Il errait à travers les méandres du fleuve de ses réflexions en furie qui emportait tout sur son passage ne laissant que la trame de sa femme solidement ancrée dans le sable mouvant de sa pensée. Il luttait contre lui-même pour ne pas s’avouer vaincu devant la calamité odieuse de tout un monde déliquescent. À chaque pas, il s’enfonçait dans une tristesse infinie, aussi profonde que le malheur qui frappait sa belle Syrie. Toutefois, il ne perdait nullement espoir malgré le rouge de tous les indicateurs. En dépit des ténébreux nuages, il croyait dur comme fer à une probable éclaircie. C’était une question de foi et Yatim était un véritable croyant.
« S’il vous arrive de vous perdre en matière de religion, retrouvez le véritable Islam en son pilier, la terre du Sham ! », avait-il lu quelque part. Ce n’était absolument pas des paroles en l’air. Elles émanaient du plus noble des hommes de tous les temps, le seigneur des créatures, le Prophète Mohamed que le salut soit sur lui éternellement. Plus de quatre-vingts nationalités de dévoyés, se déclarant musulmans, participaient à la destruction du berceau de l’humanité ; ils saccageaient la citadelle du savoir ; ils souillaient la terre des envoyés de Dieu. Le monde pourri s’acharnait pour détruire un à un les îlots de la civilisation. Yatim n’avait pas besoin de trop solliciter ses méninges pour comprendre les raisons d’un tel cannibalisme. À dire vrai, l’ennemi était pluriel, à commencer par Israël. Les facteurs exogènes arrivaient en premier, les endogènes clôturaient le tableau riche et varié.
Yatim se rendit compte de son errance du fait qu’il arpentait une rue qu’il n’avait jamais prise auparavant. Il suivait seulement ses pas qui l’emmenaient au gré de son nomadisme désolant. Il était malade de son corps qu’il sentait lourd et qu’il transportait comme un cheval mort à travers le décor meurtri de sa vie le fuyant par tous les pores. Sa tête bourdonnait comme une ruche où des milliers d’abeilles butinaient à même ses idées qui foisonnaient avec autant d’ardeur que ces minuscules bêtes, ô combien, travailleuses. Des idées aussi folles que vraies, audacieuses qu’incongrues, sages qu’insensées, toutes s’agglutinaient devant la porte de son esprit où sa conscience assidue opérait le tri pour ne céder le passage qu’aux plus téméraires. Au milieu de tout ce fourmillement, on trouvait un tas d’immondices politique mêlé à un détritus géographique qui n’avait d’égal que le méphitisme des gouvernants arabes. Le relent était tellement pestilentiel qu’il lui sortait des yeux ; il voyait la faillite arabe se dérouler comme un film de piètre facture. En gros plan s’annonçait la pauvre Palestine qui ne savait plus où donner de la tête, tellement elle était transformée en bantoustan. Les deux principales bandes séparées par une langue israélienne n’ont que les mots pour leur lutte fratricide.
Le Fatah d’un côté, le Hamas de l’autre, avec au firmament la bêtise des négociations à sens unique. Négocier avec les Palestiniens signifie pour Israël : manger Palestine en négociant. Un beau parlement où brillent des représentants rasés de près, prêts pour la révolution en pétant dans leurs pantalons usés par des guerres de salons. Ces millions de réfugiés éventés par les années, ces exilés parachutés par le jeu stupide de la survie attendaient en vain le feu vert de l’envahisseur pour retrouver la mère patrie qu’ils n’ont plus sous les pieds. Pourtant, ils n’ont qu’à imiter le brave Saumon. Celui-ci brave tous les risques et périls pour retourner à la source de sa naissance qu’il dut quitter quelque temps plus tôt. Cette merveilleuse créature passant d’alevin à tacon, ensuite à smolt argenté, va dévaler sa rivière natale jusqu’à l’océan, d’où elle atteindra le Groenland. Dans sa course de cinq mille kilomètres, elle va défier, à l’aller comme au retour, une multitude de prédateurs s’étalant du chabot aux pêcheurs, en passant par la truite, les oiseaux de mer, la loutre, les phoques et les poissons carnassiers. Devenue adulte, elle s’impose alors un jeûne de six mois durant la montaison vers l’endroit ancestral où elle meurt non sans avoir frayé au préalable. Comme Dieu ne s’amuse jamais, la vie de ce poisson est d’un réel enseignement pour peu que les hommes soient empreints de sagesse pour le percevoir à sa juste valeur. Cette petite créature affronte mille et une difficultés en remontant à contre-courant et en défiant rapides et cascades pour juste retrouver son lieu natal.
Malheureusement, il se trouve que des Palestiniens font le chemin inverse en bravant des armées entières et de dangereuses frontières pour aller se battre en Syrie, leur pays frère et ami. Oui, ces sacrés djihadistes fuient Israël qui leur mène la vie dure pour aller exprimer leur bravoure contre des gens qui les ont toujours armés et soutenus. Ils ont l’esprit tellement alambiqué qu’ils se trompent complètement de cible et d’ennemi. Ils ne traversent pas moins de trois pays pour arriver à bon port en laissant leurs concitoyens à leur propre sort. Alors à quoi bon cette mort ? Ne doivent-ils pas s’occuper de leurs fesses avant de péter ailleurs ? La Palestine ne mérite-t-elle pas un sacrifice ? En est-elle indigne ? Ou bien Israël est-il plus ami que Bachar et compagnie ?
Yatim marchait en coltinant sa folie qui ne cessait de s’amplifier au fur et à mesure qu’il se risquait dans le labyrinthe arabe ; il se sentait comme une souris, pris au piège de ses idées qui dégringolaient à travers la gouttière insipide de son esprit malmené et ballotté par tant d’acrobaties suicidaires. Le Liban qu’il aimait était toujours déchiré et ce n’est qu’entre deux chaises qu’il daignait poser ses fesses à mi-chemin entre l’Occident et l’arabité. Ni la guerre fratricide ni les agressions israéliennes en série ne sont arrivées à le remettre d’aplomb sur un seul siège. Il continue tel un attardé mental à confondre entre une belle fraise et une grossière braise.
Le Liban est tellement idiot qu’il se voile la face et tellement hypocrite que son histoire est truffée de farces. Le pays du cèdre ressemble à une femme mariée à deux hommes, l’un par procuration et l’autre par affiliation.
Alors qu’Israël agressait le Liban, un brillant Libanais parlait de guerre aux frontières internationales comme si le sud était un territoire étranger. Des Libanais mouraient sous les bombes israéliennes pendant que d’autres, nullement concernés, festoyaient.
Certains officiels sunnites jubilaient en voyant les chiites se faire massacrer par l’armée de Tsahal ; ils poussaient l’outrecuidance jusqu’à souhaiter la défaite pure et simple de la Résistance libanaise. Au plus fort du conflit syrien, le chef de file de ces officiels atteints de clochardisation et de bâtardise politique va, dans une initiative vile et scélérate, demander purement et simplement l’intervention des Américains pour casser militairement la Syrie ! Qui dit mieux ! À la solde de ses seigneurs de la petite « Arabie », il exhorte le président américain dans une lettre ouverte, à envahir ce pays. Voilà le portrait type de ce que Yatim appelait un arabe vendu.
La « voie du futur » court dans tous les sens pour ameuter Satan, le Diable et toutes ses instances, dans le seul but de faire de tout feu en Syrie, un véritable incendie. On recrute, on arme, on finance, on achemine tous les brigands et mercenaires à travers les frontières.
On claironne haut et fort, sans aucune pudeur, son infamie et son déshonneur. La bête noire pour ces Libanais tirés à quatre épingles, ces milliardaires occidentalisés qui ne sortent jamais sans se saupoudrer, reste et demeure la Résistance libanaise.
Ils ne ratent aucune occasion pour fustiger le Hezbollah et jeter l’anathème sur son leader. Toutes les rencontres et tous les événements mènent obligatoirement à Nassrallah. Que ce soit un forum, une commémoration, une fête, une veillée, une réception, un mariage, une visite, une conférence de presse ou autre, ils en profitent pour diluer leur poison en accusant ouvertement la Résistance. Ils en font leur souci majeur et leur unique préoccupation. Leur cheval de bataille demeure à tout point de vue le désarmement du Hezbollah.
D’ailleurs, ces « martiens » avec leurs agissements stupides et diaboliques font rappeler au souvenir de Yatim une anecdote bien enfantine. Du temps qu’il était écolier, on racontait qu’un élève aussi borné qu’imbécile n’apprit qu’une seule leçon par cœur de toute sa vie : le lombric.
Alors à chaque interrogation et composition, il ramenait tous les sujets à son fameux ver de terre. Que la question parle de rhinocéros, de vache, de lapin ou de poisson, la réponse arrive toujours identique, fade et insipide. Qu’est-ce qu’un éléphant ? C’est un être vivant comme le lombric. Celui-ci est un ver au corps divisé en anneaux, à la peau rosée, qui creuse des galeries dans la terre humide dont il se nourrit. Le Hezbollah s’apparente au lombric pour ces messieurs qui s’approprient le Liban en le mettant périodiquement à feu et à sang. Les gouvernements arabes détestent le Hezbollah, car il les met dans une position inconfortable. Le pouvoir tunisien interdit l’entrée en territoire à une délégation du Hezbollah malgré la délivrance d’un visa par ses services consulaires. En effet, invités par un parti tunisien, les délégués de la résistance libanaise furent sommés de rebrousser chemin à l’aéroport de Carthage par la police des frontières. Par contre, des Israéliens furent presque à la même date autorisés à fouler le sol tunisien avec tous les honneurs.
« Les États-Unis ont un intérêt stratégique à mettre un terme au conflit syrien. La poursuite de la guerre renforce le terrorisme et mène à l’expansion de l’hégémonie iranienne dans la région », disait la lettre de cet important sunnite. Enfin, il daignait montrer la couleur du slip de son esprit borgne par où louchait un regard nauséabond. Ce ne sont pas les enfants de Deraa qui lui faisaient pitié et encore moins les Syriens qui s’entretuaient, mais il ne faisait qu’obéir à ses maîtres et seigneurs. Pouah ! Ça puait le véritable khenzir !
Voilà plus de deux heures que Yatim essayait de décompresser, mais il était vite rattrapé par la précarité des instants arabes qui sentaient la marmelade pourrie. Les « ghachis » ne pouvaient produire finalement que du gâchis. L’esprit en compote, il ruminait ses pensées violentes et désastreuses à l’encontre de ses semblables qui barbotaient à longueur de temps dans une mer de sable aussi tragique que la sécheresse de leur cœur.
Pour une fois que le Hezbollah arrive à laver l’honneur de tous les faux Arabes, des chiens aboyant plus fort que leurs maîtres jettent du discrédit sur une victoire historique. Yatim aurait aimé multiplier Hezbollah dans toutes les républiques et principautés, dans tous les émirats et royaumes pour que les Arabes puissent lever la tête sans baisser le pantalon.
La Résistance libanaise demeure le seul point positif dans tout ce merdier arabe qui pue à tout coin de rue. Elle demeure le flambeau qui éclaire de sa lumière, la flamme qui permet l’espoir, la citadelle où se niche l’honneur timide d’un peuple trahi par ses propres leaders. Ave Hezbollah ! Ave Nassrallah ! Ya Hassanah !
Ah ! Ce croquemitaine que la diplomatie américaine a réussi à semer dans les cervelles de ces Orientaux attardés mentaux comme au bon vieux temps où la grand-mère de Yatim lui distillait savamment des histoires à dormir debout ! Effaré, il l’écoutait, en imaginant dans son esprit de bambin des personnes aussi horribles que terribles, avant de s’endormir comme un chaton.
Alors, les robes enculottées se font tout bonnement doper par Sam le surdoué qui leur inculque que l’Iran est l’ogre par définition. Du coup, les enfants de sable, dont la promptitude à mettre la main au portefeuille n’est plus à démontrer, déboursent des centaines de milliards de dollars pour des armes qu’ils n’auront jamais à utiliser sauf pour mater les leurs. Cependant, cela sert à renflouer les caisses des Américains et à ranimer leur économie. D’une pierre, deux… trois… voire plusieurs coups ! Est-ce le génie des uns ou le béotisme et l’ineptie des autres ? Seul Téhéran est à même de répondre à cette question, car de tous les pays du Moyen-Orient, seuls les Iraniens jouissent de leur indépendance.
Les Arabes américanisés vont consacrer leurs efforts à empêcher l’Iran, pays voisin et musulman de surcroît, de penser à se doter de l’arme nucléaire ; ils vont s’allier aux sionistes et aux impérialistes, leurs ennemis séculaires qui sont détenteurs de plusieurs bombes atomiques capables de les effacer mille et une fois de la surface de la Terre ; ils vont exhorter la communauté internationale à attaquer l’Iran.
Ces Arabes des temps modernes sont leurs propres ennemis. Quand les vents auront tourné et changé de direction, ils se retrouveront isolés sans aucune protection. Malheureusement, les peuples jouent toujours le rôle des dindons de la farce. Quant aux roitelets et autres gouvernants, ils auront toujours un os à se mettre sous la dent. Que ces faux Arabes sachent qu’au plus fort de la guerre qu’ils avaient livrée par procuration aux Mollahs, à aucun moment Téhéran n’avait souhaité utiliser les armes chimiques que leur tortionnaire avait employées contre les troupes iraniennes. Celles-ci auraient pu user du principe de réciprocité et gazer les unités irakiennes, mais c’était aller à l’encontre de l’esprit de l’Islam qui interdit l’utilisation de moyens non conventionnels. Lâches et vils, ils avaient envoyé leurs chiens contre une république encore vagissante. Alliés de l’obscurantisme et ennemis de la renaissance, ils avaient fomenté un odieux complot pour tuer dans l’œuf la jeune révolution du grand Iran.
Quant à l’accusation gratuite et immorale relative à l’utilisation des armes chimiques par le pouvoir syrien contre son propre peuple, les Américains et autres valets ne font que récidiver en la matière ; ils se donnent juste un prétexte pour d’abord mobiliser l’opinion internationale qui leur est toujours acquise et ensuite attaquer et démolir impunément la Syrie. D’ailleurs, ils ne seront pas à leur première puisqu’ils ont déjà beaucoup de crimes contre l’humanité à leur actif à commencer par le Vietnam. En effet, à partir de 1961, les Américains vont déverser quatre-vingts millions de litres de produits chimiques extrêmement dangereux et strictement interdits par les lois internationales sur les terres et la population vietnamiennes.

Les conséquences sont toujours désastreuses, des milliers d’hectares pollués ainsi que des cours d’eau et surtout des millions de victimes. On y dénombre pas moins d’un million d’enfants déformés à la naissance.
L’Irak vit actuellement une situation similaire et tout aussi dramatique, car les Yankees y ont employé des armes sophistiquées de dernière génération utilisant des obus et des projectiles de calibre différent à base d’uranium appauvri. Ceux-ci ont occasionné des ravages au sein des populations et leurs effets et radiations continuent de faire des victimes malgré l’arrêt des hostilités depuis bientôt quinze ans. Finalement, ce n’est qu’un remake qu’ils veulent réaliser en terre syrienne juste pour le plaisir d’agresser et de sévir. Ils ont été capables d’envoyer ad patres de centaines d’enfants innocents en les gazant tout simplement au Sarin. La puissance américaine est une véritable démence et la démocratie qu’elle véhicule est un gaz moutarde inoculé.
Yatim vivait des contradictions flagrantes dans sa tête au point qu’il cauchemardait en marchant. À le voir ainsi errer, on penserait forcément à un somnambule en mouvement qu’il ne faudrait surtout pas réveiller. Tout en déambulant, il baptisait dans son mental, aux noms de pays arabes, les ruelles et quartiers qu’il arrivait à dépasser.
Justement, il atterrissait au bourg des quarante maisons devenu l’Irak pour la circonstance, référence à Ali Baba et ses voleurs. Oui, ils devenaient des milliers, les pillards de la petite histoire. Seulement, ils étaient passés du délit au crime ; ils ne volaient plus, ils tuaient systématiquement. L’Irak explosait dans la tête de Yatim avec ses sempiternels kamikazes et ses voitures piégées et c’est par la faute de son occupant fossoyeur qu’il accouche au forceps d’un Kurdistan autonome, bientôt indépendant. Les Busheries (boucheries) ont transformé ce pays en un marécage fangeux de sang et de chair grillée.
Elles l’ont renvoyé expressément au Moyen-Âge en cultivant l’intolérance dans les mentalités et en creusant le fossé confessionnel dans le spectre du tissu social ; elles ont érigé les murs entre les quartiers pour les faire grandir dans les esprits afin de démolir l’une des plus anciennes civilisations humaines. Les Américains ont réussi à faire de ce pays un véritable charnier. Ce fut un triomphe sans gloire, un succès sans lauriers, une victoire sans honneur. Puis vint le fameux jour où on offrit aux Irakiens d’abord, ensuite à tous les musulmans, le mouton du Sacrifice. Ce jour-là, Yatim détesta tous les Irakiens : c’était le jour de l’Aïd Al-Adha.
Yatim marchait sans se soucier de ses pieds qui s’alarmaient, ni de Yatima qui l’attendait, ni des gens anonymes qui le rencontraient, ni des habitations qui se faufilaient à travers le dédale des rues et de son esprit, ni du temps qui passait. Il était fatigué, écœuré, révolté, en colère contre ce monde arabe qui lui administrait sa folie en se foutant royalement de lui. Tel un cyborg, il enjamba une rigole charriant une eau noire et nauséabonde. Curieusement, son esprit buta contre le Jourdain qui saoule un royaume qui n’a d’hachémite que le bédouinisme autour duquel il gravite. De l’an Balfour à Septembre noir, en passant par les guerres arabes contre l’hydre dangereuse, rien ne mérite que l’on pagine un livre aussi couard que pleutre. Allié inconditionnel de l’axe du mal et accroché en sangsue à l’aine syrienne, il lui inocule son poison arabe.
À cette seule pensée, Yatim eut envie de vomir. Cette bourride arabe ne cessait de le cuisiner et le relent du poisson pourri lui donnait de la nausée. Enfin la bâtisse où flottait au vent le drapeau majestueux signifiant que le village était indépendant. En ce lieu siégeaient les mêmes membres de la municipalité depuis les premières élections.
À chaque échéance électorale, ils changeaient de partis, choisissant chaque fois le cheval gagnant. Aussi bizarre que cela puisse paraitre, cette assemblée communale renvoyait dans l’esprit prisonnier de Yatim au fameux parlement palestinien, à l’autorité palestinienne. De négociation en négociation, ils misent toujours la Palestine au jeu pipé des pourparlers. Ah, ces négociateurs palestiniens ! Quel débit et quelle éloquence ! Quelle prolixité, quelle exubérance ! Quelle volubilité, quelle abondance ! Quelle loquacité, quelle incontinence ! Sont-ils aveugles pour ne pas voir que ces discussions ne sont que babillage et boniment, caquetage et caquètement, jacassage et jacassement ? Ces messieurs, les révolutionnaires du dimanche, ces cols blancs cravatés feraient mieux de changer de discours sinon se taire définitivement. Ce n’est point à base de logomachie et de logorrhée qu’on réussit une révolution. L’indépendance ne se donne jamais, elle s’arrache !
Le creux qu’il avait à l’estomac le tenaillait déjà quand il bifurqua pour prendre la rue Sanaa, en référence à la bâtisse de type yéménite qu’un citoyen analphabète avait érigée et que ses voisins avaient baptisée. Le Yémen représente le dernier Mohican des Arabes par le fait que la majorité de ses habitants le sont de souche. Clanique et arriéré, il tue son temps à ruminer le « qat » en regardant passer les drones américains. Le Nord contre le Sud, comme à la guerre de Sécession, mais qui ne donne au Yémen qu’une blessure éternelle hypothéquant dangereusement son avenir. Une rébellion conduite par les Houthis et une menace séparatiste ne peuvent que renvoyer aux calendes grecques une hypothétique stabilité. La fameuse ligue arabe soutient tous les mouvements rebelles, sauf ceux du Yémen qui ne peuvent aspirer à une démocratie. La géographie politique leur déniant ce droit, les Yéménites subissent dans leur chair la dictature des uns et le terrorisme des autres. Adossé à un puissant voisin qui ne lui laisse aucune chance de progresser, ce pays est condamné à survivre au gré des humeurs des centres d’influences et de décisions.
L’Arabie, l’Iran, l’Amérique, la Russie, la pauvreté, l’ignorance, le tribalisme, le communisme et l’islamisme constituent autant de frontières piégeant Sanaa et Aden réunies.
Fatigué, Yatim continuait ses pérégrinations tout en traînant ses pas qui se refusaient déjà. La ruche bourdonnante foisonnait dans sa tête où cognait un forgeron arabe au torse nu et velu. Les coups redoublés échouaient contre ses tympans où le bruit se répercutait en de vulgaires échos comme ceux qui s’échappaient des grands silos de blé qu’il venait de dépasser pour aller mourir un peu plus loin, au-delà des murs lézardés de la cité. En effet, on y stockait les céréales en été et l’on passait le reste du temps à les vanner, à les cribler pour séparer le grain de l’ivraie. Bizarrement, l’esprit de Yatim patina sur les gémissements d’un pays récemment amputé ; il geignait continuellement de cette meurtrissure qui n’en finissait pas de le faire souffrir. Désormais, avec ce précédent sur les bras, il devait s’attendre au pire. Hélas, il aurait dû être le grenier et le réservoir par excellence de tout ce joli monde qui lui a souvent tourné le dos en le laissant se débattre dans son naufrage.
Le Soudan gisait comme un cheval mort aux pieds des pharaons hautains, méprisants et dédaigneux. Yatim ne comprenait pas cette Égypte qui reniait sa profondeur stratégique en s’accrochant toujours à un Khalije, certes riche, mais bien rachitique. Courant ainsi à sa perte, elle mettait son pronostic vital en jeu, car la Libye et le Soudan auraient été ces véritables poumons, ces réelles chances de survie.
 Yatim ?
La voix douce de Yatima résonna dans son esprit tourmenté comme un baume adoucissant. Balsamique, son action fut bénéfique puisqu’il se sentit quelque peu rasséréné.
 Yatima ?
 Oui, mon trésor, je ne pouvais rester à broyer du noir dans cette maison où tout ne parle que de toi.
 J’éprouve un immense besoin de toi, Yatima. Le monde plein de misère où je vis est un véritable nid de vipères.
 Ce matin, tu m’as quitté, mais pas comme à l’accoutumée ; tu es parti sans me noyer dans ta douceur, sans tes précieux mots que tu me destines comme des fleurs chaque fois que tu sors de chez nous. Alors, comme un enfant à qui l’on refuse un bonbon, j’ai eu mal au cœur et j’ai beaucoup pleuré. Cependant, dans ma douleur, j’ai compris que tu souffrais quelque part, parce que tu parlais comme un fou juste avec les yeux et le regard perturbé. Avant de me quitter, tu palabrais tout seul ; humble et niaise que je suis, je ne saisissais rien à tes mots muets. Je t’ai attendu en préparant à manger, mais quand tu n’es pas rentré à l’heure du repas, j’ai commencé à m’alarmer et ce n’est que morte d’inquiétude que j’ai décidé de venir te chercher.
 J’étais au Soudan lorsque tu m’as apostrophé, lui dit-il, sans façon.
Yatima s’arrêta un instant de marcher comme si son cerveau, tombé en panne, refusait de donner l’ordre à ses pieds. La bouche ouverte, les yeux hagards, elle regardait, éberluée, son mari. Celui-ci, ayant remarqué qu’elle ne l’accompagnait plus, s’était retourné après s’être immobilisé, lui aussi. Son regard se posa sur elle, étonné et inquisiteur. Elle se ressaisit puis courut vite le rattraper.
 Le Soudan est-il un autre nom de la Syrie ? Lui demanda-t-elle, nigaude.
 Non, pas vraiment, mais il lui ressemble. Il est africain, juste du côté où se lève le soleil.
 Tu sais, le soleil pour moi ne se couche jamais tant que tu es là ; il ne peut être syrien ni soudanais tant que tu rayonnes sur ma vie. Toutefois, je voudrais ressembler à une Syrienne pour que tu m’accordes un pan d’existence dans le monde que je ne peux voir ni comprendre, mais que je sens hostile à mon devenir. Je serais aussi soudanaise, l’essentiel, une patrie où ton nom flotte à tous les vents.
Yatim ralentit le pas à la mesure de celui de Yatima qui venait de mettre le doigt dans une plaie aussi grave que la vérité.
 Si mon esprit voyage au-delà des pourtours de la vie simple et tranquille, c’est parce que de l’autre côté, celle-ci se suicide de mort quotidienne. Les gens s’immolent sous le regard amusé de la bêtise humaine et sous les applaudissements hypocrites de l’humanité officielle. Je ne te veux ni syrienne ni soudanaise. Tu les dépasses, plus qu’une Algérienne. Tu es humaine et cela me suffit amplement. Cela légitime mon espérance au-delà des murs certains de la confiance.
Tu es le rempart, la meilleure défense contre toute la barbarie qui s’annonce à cors et à cris de l’homme fanfaron et vantard. Tu es le port où lorsqu’il tempête fort, mon esprit affolé jette les amarres. Tu es cette lune merveilleuse qui éclaire de sa douce lumière la profondeur sombre de la vie éphémère. Tu es l’étoile où l’âme perdue se réfère dans cet univers pour retrouver ses repères.
 Tes mots sont plus grands que moi, mais je sens leur douceur me caresser le cœur. Je suis heureuse d’écouter les ronrons de ton esprit, ils résument pour moi toute la vie.
 Ah, Yatima, comme je t’envie ! Tu es une princesse imprenable dans ta forteresse, nul ne peut prétendre fouler ton pont-levis. Tu es une belle prison et une formidable geôlière et j’aime passer mes jours à contempler la vie dans la beauté de tes donjons et de tes tours, lui dit-il avec philosophie.
Yatima ne l’écoutait plus. Elle s’était de nouveau arrêtée parce que tout simplement, ils étaient arrivés devant chez eux. Trop distrait, son mari avait continué dans sa lancée sans se rendre compte qu’il avait dépassé son propre domicile ni que sa femme l’avait encore une fois lâché.
 Yatim ?
 Mais, qu’as-tu, Yatima, à traîner chaque fois derrière moi ?
Voyant qu’elle le regardait d’un air plutôt amusé et réalisant le comique de la situation, il se mit à rire à gorge déployée.

 Il ne manquait plus que cela, lui dit-il en rebroussant chemin.


Chapitre 11 extrait du roman, Syrie, enfer et paradis de Benaissa Abdelkader paru sous le pseudonyme de Benak, livre écrit en 2013 et publié en France début 2014 .Contrat résilié à la demande de l'auteur en 2015.
Dépôt légal 2 ème trimestre 2014 
http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb438955419
Ce roman est disponible en  livre numérique :
https://www.amazon.fr/Syrie-enfer-paradis-Abdelkader-Benaissa-ebook/dp/B072MXQ6MM/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1503822998&sr=8-2&keywords=Syrie%2C+enfer+et+paradis
http://www.lulu.com/shop/abdelkader-benaissa/syrie-enfer-et-paradis-tome-1/ebook/product-23219921.html
http://www.lulu.com/shop/abdelkader-benaissa/syrie-enfer-et-paradis-tome-2/ebook/product-23219902.html

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