En effet, Monsieur Hamas, tu as été, un certain temps, porteur d’espoir non seulement pour les Gazaouis, mais pour une bonne partie de la population palestinienne, aussi. Tu as réussi également à gagner la sympathie de la majorité des peuples arabes et bénéficié d’un large mouvement de solidarité. Tu as disposé du soutien indéfectible de la Syrie et de l’Iran. La première s’est même attiré le courroux des États-Unis en t’offrant l’hospitalité pendant que les autres pays arabes te la refusaient parce que tu as été taxé d’organisation terroriste à éradiquer par les Américains et les nations dites civilisées.
Ah, Monsieur Hamas ! Le train que tu as pris mène droit à une impasse et tu ne peux en aucun cas faire marche arrière, car à ce niveau des choses, l’erreur est fatale. Dommage que tu t’attelles à cette locomotive qui n’entraîne qu’en enfer. D’ailleurs, je me demande comment tu arrives à t’adapter à deux causes dont les principes fondamentaux sont contradictoires. Tu as su les marier avec tact et doigté, mais quand on chasse le naturel, il revient au galop, dit l’adage populaire. On peut taire une chose pour un temps, mais pas éternellement, monsieur le baroudeur.
Monsieur Hamas, le cheval que tu as emprunté pour mener ta saga personnelle est parti perdant depuis de longues années. Tu as noyé la libération de Palestine dans les méandres houleux et ténébreux d’une cause supranationale qui ne sert que les intérêts de tes propres ennemis. En politique comme en diplomatie, même s’il arrive qu’on nage en eau trouble, on ne doit jamais naviguer à vue. Tu as beau être un joli phraseur, cela ne suffit pas pour libérer une terre spoliée et tes prises de position en dehors de toute orthodoxie ne peuvent te servir de plaidoiries. Au contraire, tes agissements peu amènes ont fait tomber tous les masques. Finalement, tu n’es point à belle enseigne, tu ressembles à tout point de vue, politiquement parlant, à Fatah, ton frère et éternel adversaire. Vous êtes semblables à deux gouttes d’eau dégoulinant du front meurtri de Madame Palestine, les deux côtés d’une même pièce. Quand l’une est pile, l’autre est forcément face.
Heureusement que ce n’est nullement toi qui tires les ficelles à Gaza. Je ne pense pas que les hommes d’Azzedine Al kassam, du Jihad islamique et d’autres factions sur le terrain soient assez idiots pour mettre leur destin entre les mains d’une girouette doublée d’une marionnette. Il fut un temps où tu pouvais agir et prendre des décisions librement. Désormais la palme revient à son excellence Mohamed Daïf et ses camarades qui ne s’embarrassent jamais de palabres. Ils opèrent dans l’ombre en leur âme et conscience et leurs actions sont d’une admirable efficacité. Pour eux, la boussole n’indique pas seulement le Nord, mais aussi Palestine, celle que tu mises à l’autel de la traîtrise au nom d’une confrérie qui dénature l’Islam et les musulmans. Tu pousses l’effronterie et l’impudence jusqu’à ne faire d’elle qu’un fonds de commerce que tu utilises à tort et à travers en occultant gravement l’indépendance. Tu prônes la résistance du bout des lèvres à partir de tribunes occultes et dont une certaine accointance n’est plus à démontrer.
Monsieur Hamas, un pays valétudinaire peut-il être résistant ? Un état réactionnaire soutient-il une révolution ? La débauche peut-elle s’habiller d’honneur ?
À l’image de ton obligé, ton bel adversaire et ami, tu aurais pu être un grand révolutionnaire. Tes arrière-petits-enfants auraient été fiers de tes prouesses et honorés de ta bravoure. Tu aurais été leur Giap en quelque sorte, ils se seraient targués d’avoir mérité leur place au sein des Nations qui se respectent et qui sont respectables et respectées. Giap ? Tu ne le connais pas ? Eh bien, tu m’as fait rudement peur ! Heureusement que tu en as entendu parler.
Non, monsieur Hamas ! Il n’est ni arabe ni musulman, il est tout simplement vietnamien. Il fait partie de ces gens qui ont fait l’histoire, qui ont écrit leur nom en lettres d’or au Panthéon brave de l’humanité.
Tu ignores ses réalisations ? Il n’a rien fait de spécial, seulement, il a consacré sa vie au service de son peuple. Il s’est sacrifié pour que vive son pays, son emblème flottant au parvis des Nations Unies. Il a fallu toute une existence de sacrifices et de renoncement, de souffrances et d’abnégation pour enfin atteindre cette lueur pour laquelle les Algériens ont donné plus de onze millions de martyrs.
Onze ? Onze millions ?
Oui, onze millions, sinon plus à contrario des manuels d’histoire ne rapportent qu’un million et demi, car ils passent sous silence cent vingt-trois ans de résistance.
Pour ton information, les Vietnamiens ont perdu cinq millions en trois décennies ; les Soviétiques, une énormité de vingt-six millions en cinq années d’enfer et de tragédie. Tout pays qui se respecte a payé un lourd tribut. Il est tout à fait normal de mourir pour sa terre, pour les siens, c’est dans la nature des choses. Même les animaux défendent leurs petits, souvent au péril de leurs vies. Pour tout dire, monsieur Hamas, tu ne seras ni le premier ni le dernier à le faire. Seulement, il est trop tard, tu ne pourras jamais égaler le général vietnamien.
De la stature des grands chefs militaires, il a gravé son nom dans l’histoire. Le héros de Diên Biên Phu a non seulement défait la France, mais a aussi tenu en échec les États-Unis qui ont pris la relève des Français à la suite d’une sordide machination. La France est un mauvais élève, avait-il dit un jour à Alger, alors qu’il y était en visite officielle. Ses prédécesseurs, au temps des mandarins, avaient réussi à chasser les Chinois de leurs terres en empêchant pour toujours leur retour. De la lignée des nobles et des guerriers, Giap a été un digne ambassadeur.
Monsieur Hamas, te souviens-tu encore d’Al-Yarmouk ? Ou bien les riches palais qataris t’ont-ils fait oublier jusqu’à ton identité ? Rappelle-toi que la vie ne fait jamais de cadeaux et qu’il est des moments où l’on est obligé de se manifester, soit en se différenciant de la masse en une formidable distinction, soit en se rabaissant en un malheureux avilissement. Oui, entre l’honneur et le déshonneur, le fil est si ténu qu’il est plutôt facile de sombrer dans la turpitude et la vilenie.
Comment peut-on être lâche et vendre les siens, alors que l’étau se resserre sur les réfugiés palestiniens ? Comment peut-on jeter en pâture des vieillards, des femmes et des enfants pour juste sauver sa peau ou remplir un exécrable et crapuleux contrat ? Tu porteras à jamais cette indigne action au cou de ta conscience dépravée comme un talisman maudit. Tu ne t’en laveras aucunement de cette tare de ce fâcheux insigne accroché à ton corps comme un chancre vilain et répugnant.
Les choses qui n’avancent pas reculent fatalement, dit la citation ; tu n’as pas seulement reculé, mais changé radicalement de direction. Tout va de mal en pis sans passer par une conjoncture accommodante ou des circonstances atténuantes qui auraient eu le privilège de t’accorder un certain bénéfice. Tu pousses carrément les tiens dans la gueule du loup en optant pour une politique immonde et innommable. Tu abandonnes non seulement le camp, mais tu le livres poings et pieds liés aux hordes sauvages commanditées par tes maîtres et seigneurs.
Sans te voiler la face, tu oses brader la Syrie au souk de la traîtrise et de la perfidie ! Tu n’es pas sans savoir que c’est grâce à l’Iran que tu construis ta prétention démesurée que tu colportes du Qatar à la Turquie. Il est des moments où plus rien ne va et justement, c’est durant ces périodes-là qu’on doit manger la soupe au moyen d’un couteau. Tu tiens trop à la vie pour pouvoir mourir comme ceux que tu envoies à la mort et qui le font avec le sourire. Il faut que tu saches, mon beau derviche, que mourir est un sacrifice qu’on concède en souhaitant la vie à autrui.
Tu ne veux pas mourir ? Pourtant, la mort fait indubitablement partie de la vie. Ah ! Si tu maniais les armes autant que ta langue, Palestine serait, en un rien de temps, libre et libérée.
Cependant, tu as raison de contrer Fatah sur tous les plans, car il aurait dû te donner la chance de disposer de ton droit à l’issue des premières échéances, des dernières élections. À ce moment-là, tu aurais dû troquer ton costume flambant neuf contre une tenue de para et déclarer la guerre à tous les colons, qu’ils soient d’Israël ou tout simplement palestiniens.
Tu fais pitié avec ton esprit zélé qui ne différencie pas entre Palestine, la mère et Gaza, la fille. Au-delà de Gaza, c’est la confrérie à laquelle tu voues un sérieux culte et une profonde idolâtrie qui prend les couleurs de ton mystérieux pays. À chaque goutte de sang versé, tu réclames un port et un aéroport pour faire de la fameuse cité ta propre principauté.
Es-tu si aveugle pour revendiquer un corridor, un passage pour relier Gaza à la Cisjordanie ?
Enfin, c’est comme ça que l’on conçoit l’embryon de la nouvelle Palestine dans un premier temps !
Toutefois, ni toi ni Fatah n’avez envisagé une telle option pour la simple raison que vous ne voyez pas plus loin que le bout de vos passions. Par tes agissements irrationnels, tu as fait trop de mal à la révolution. Tu n’as pas su garder une distance de sécurité vis-à-vis des principaux pays arabes dans ta sphère directe d’influence. Ta médiocrité politique t’a joué un coup des plus téméraires en t’obligeant à prendre parti du mauvais côté de la barricade. Dans ton incapacité de discernement, tu as d’abord renié la Syrie qui t’a offert gîte, pain, armes et identité.
Peut-on, en un rien de temps, ne pas reconnaître ses idées et renoncer à ses convictions ?
Ensuite, obnubilé par la folie des grandeurs et l’excès de zèle que suscite l’esprit d’une certaine confrérie, tu t’alignes sur un Égyptien élu président et aussitôt déchu sans jamais réaliser l’horrible marchandage. Malheureusement, la cause palestinienne ne s’en sort nullement indemne d’un tel magouillage. Du plomb dans les ailes, elle est sauvée in extremis par la frénésie démentielle d’Israël.
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