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lundi 3 juillet 2017

La longue marche


Je marche
À travers cette ville immense
Où mes pas chevauchent
Un galop de chiens perdus
Aux sons de cloches
De grands malentendus

Je marche
Vers la rue absente qui avance
Où les gens étranges et inconnus
Partent à la même cadence
Vers la plurielle issue

Je marche
À côté de la vie
En marge de l’amour
D’un rêve de fille
Ecrasé au premier détour

Je marche
Des pas incertains
Des pas à moitié fous
Des pas à moitié vains
Des pas presque tabous

Je marche
À fond à reculons
Partout à la fois
Alerte et haletant
D’amour et de foi

Oui, je marche
Malgré la rue qui avance
La rue qui s’en va
Partout à la fois
J’avance malgré moi
En dépit du haut
En dépit du bas

Oui, je marche
En dépit du faux
Et même au-delà
De la rue qui part
De la rue qui s’arrête
De la rue qui démarre
De la rue qui s’apprête
À me barrer le chemin

J’irai jusqu’à demain
Par tous les temps
Par tous les vents
Par tous les monts
Par tous les champs

Je marcherai
Du matin jusqu’au soir
À tous les  instants
À travers blanc, à travers noir
À tous les moments
Semer à tout vent
Le maigre espoir
Conjuguer à tous les temps
Le verbe vouloir
Peindre en blanc
Les horizons noirs

Il faut que je marche
Sur les rues infidèles
Accroché au sein bravache
De la vérité réelle
Que le mensonge cache
D’une blanche ficelle

Il faut que je marche
Tant que vit l’intolérance
Tant que la rue est obscure
Tant que la voix est au silence
Tant que le temps est si dur
Tant que la rue est extrême
Tant que règne le blasphème

Je marcherai seul
Sans toi, mon faux frère
Portant  une longue barbe
Un galet en forme de cœur
Un kamis superbe
Comme si ton dieu
Avait les cheveux longs
Et le langage acerbe

Je marcherai pour lutter
Pour toi et non contre toi
Pour la rue te montrer
Avec ton regard aveugle
Qui tue tous les vivants

Je marcherai
Malgré la rue qui avance
La ville qui foisonne
Les « haiks » nonchalants
Des âmes qui fredonnent
Des corps indolents
De la morne danse
Des cœurs en partance
De la rue qui avance
Sous nos pas éperdus
Où le sang mêlé
Des morts en transe
De la bêtise d’Alger
Quand barbe est connivence
Les accords faussés
Du genre humain
De main en main
Sur le parvis de la providence

Le diable qui rit
Le diable qui chante
Se frotte la panse
Le corps qui gît
La vie haletante
La mort a plus de chance
Que la futile vie

J’entends une flûte
Des notes irascibles
La mélodie des cultes
Discours inaudibles
Je te renie
Toi mon prochain
D’avoir réquisitionner la vie
D’avoir tout éteint
Le soleil du destin qui brille

Je te défie
À l’arme de la vie
Au verbe ami du bon sens
De venir à l’évidence
Pour que l’existence
Soit une belle référence
Il faut que je marche
Malgré ton regard
Tes idées qui tuent
Ton esprit ringard
Ton âme qui pue

Je marche et je marcherai
Contre vents et marées
Contre le temps en arrêt
Sur les hauteurs d’Alger
Je marche au-delà des préjugés
Au-delà des espérances
Des idées préconçues
De la grande extravagance
De la vile manigance
De la pure folie

La ville marche
Au-delà du temps
Le grand panache
Du grand Satan
Et c’est au nom
Du vilain démon
Que fusil et cravache
Damnent les gens
La ville foisonne
Au-delà du murmure
La ville claironne
Au-delà de la sépulture
La ville gloutonne
Pour seule nourriture
Ton discours atone
Et ton regard obscur

Oui, il faut que je marche
Tant que tu aspires
Au grand délire
Je marche
Malgré la rue qui avance
Dans tous les sens
Je marche dans cette cohue
La rue en piste de danse
Macabre et moins jolie
Des gens en partance

Des « haiks » nonchalants
Pointant à l’horizon
Des seins portés par l’écume
Des seins tout blancs
Portés par l’amertume
De la douleur fine
D’une agréable chanson

Les regards luxueux
De la beauté coquine
Des regards monstrueux
Des regards majoritaires
Des regards forfaitaires
Des regards ténébreux
Des collines oubliées
Où des « haiks » blancs
Des drapeaux hissés
Au gré du vent
Pointant la cohue
Des points de suspension
Et autant de questions
Le long de la rue
Et autant de passion
Que notre regard ponctue

Des « haiks »qui marchent
Le long du boulevard
Analphabètes regards
Des yeux grands malabars
Des chiens en chasse
Le passant qui passe
Au-delà de la raison
Au-delà du faubourg civilisé
La ville islamisée
L’école fanatisée
La mort banalisée

Je meurs de vivre
De glace et de givre
Où le soleil se niche
Comme un chien blessé
Comme un chat lessivé
Comme une femme répudiée
Comme mon âme trucidée
Comme ma raison culbutée
Comme mon âme charcutée
Comme ma folie habitée
Habitée et hantée
Par l’histoire frelatée
D’un peuple barboté
D’un peuple garrotté

Je marche au fond de la cité
Du côté de l’affreuse ville
Où les gens escamotés
Ont l’absence facile
Je marche dans la même file
Des « haiks » emmaillotés
Des « haiks » trimballés
Des « haiks » ballottés
Comme des pingouins
Chacun dans son grand coin
Regardant au plus loin
Les désirs encore interdits


Du côté fou de la ville
Des « haiks » plus que dociles
Perdent leur seul chemin
Des « haiks » toujours timides
Les yeux souvent humides
La peur du macho
Leur fait courber le dos
Et j’ai peur cette fois
De la barbe qui pend
Plus que la dernière fois
Même au-dessus du menton


Et j’ai peur cette fois
Que la nuit soit plus longue
Que la dernière fois
Que la route soit barlongue
À une seule voie

Je marche au bord de la ville
Qui sent la meurtrissure
Qui sent la flétrissure
Des « haiks » audacieux
De la terre aux cieux
Se promènent malheureux
Boulevard de la Ménagère


Et la ville se faufile
En-deçà des portes muettes
Et des fenêtres secrètes
Des hommes heureux
Qui ont des enfants
Sans compter les filles

Je marche en marge de la vie
Au bord des hanches alourdies
Les désirs qui tuent
Les yeux des murs
Fermés sur le futur
Je marche du côté du port
Bateau ancré à mon âme
Où plus rien ne sort
Où plus rien ne réclame
Où tout le monde s’endort
Au son du roulis incessant
De mon esprit malveillant
Encore et encore plus fort
Me ramène à bord
Du monde le plus chiant
Au bord de mon esprit tordu
Où je drague avec les mots
La folie de ces barbus
La hantise du beau
Les grands malentendus
Du vrai contre le faux

Je marche sans me retourner
La ville immense s’enfonce
Dans ses rues agglutinées
Qui partent dans un seul sens
De l’unicité de la pensée

Mille cornues alambiquées
Au nom de la providence
De la sincérité charcutée
La folie à outrance
L’extrémisme administré
Je marcherai toujours
Aux confins de l’histoire

J’irais sans retour
Je crèverais les yeux au soleil
Il n’a pas su
Il n’a pas vu
Que la nuit ne porte plus conseil
À ces enfants barbus
Qui avec fracas dépareillent
L’innocence et la vertu
En mettant la ville en bouteille
Et la civilisation à nu
Rendant la rue vermeille
La bêtise qui tue

Je marcherai le long des rues
Je marcherai vers le soleil
À crever son seul œil
Où se terre le regard hagard
Oubliant une part quelque part
Vivant  au-delà de l’enfer
Au fond de mon cœur hilare

Je crèverai l’œil au soleil
Qu’il ne sache regarder
L’encre rouge vermeil
De mes veines roussies
Tissant ce noble recueil
De mon âme adoucie
Auréolée de son seul orgueil
La montagne assoupie
À l’ombre de mon sommeil

Il est temps de partir d’ici
Il est temps du réveil
Il est temps de fuir la vie
Il est temps d’ouvrir les cercueils
Il est temps d’ouvrir les cœurs
Il est temps de serrer les rangs
Il est temps de cueillir les fleurs
Il est temps d’arrêter le sang
De lutter frère contre frère
De s’aimer comme des enfants
Allaités à la même terre
De dire non aux commis de Satan
Et chasser toutes les sorcières
Oublier un certain temps
Oublier jusqu’à hier
Dire avec la fureur du vent
Les lendemains enchanteurs

J’irai par tous les chemins
Comme au bon vieux temps
Où la main dans la main
Nous marchions gais lurons
Et je dirai au temps
Que plus rien ne subsiste
De notre folie d’antan
Que plus rien ne résiste
À notre amour naissant

Je marcherai toujours
Jusqu’au pas hésitant et lourd
J’irai sans le moindre détour
À la naissance de l’amour
Porter le premier fardeau

J’irai toujours
Autant que le verbe marcher
Prenant tour à tour
Tous les temps conjugués
J’irais malgré le morne chantier
Malgré l’absence de repères
Malgré le manque d’ouvriers
Malgré mon cœur chômeur

J’irai jusqu’au matin
Attendre le soleil levant
Prendre le premier train
Jusqu’au soleil couchant
Chanter tous les refrains
De notre belle chanson

J’irai au plus près de la nuit
Ameuter tous les silences
Congédier tous les bruits
Et dresser la potence
De la tragédie inouïe
Il faut marcher toujours
Sans oublier le temps
Cela vaut le détour
De fouetter les ans

Je marche et la rue qui avance
Sous mes pas pointilleux
Le bonheur est à la chance
Ce qu’est la guigne aux malheureux
Je marcherai jusqu’au jardin
Réveiller mes roses
Égayer mes fleurs
Les tresses que j’aime
Les cheveux au vent
Les jupes plissées
Le jeu de la marelle
Sous le grand platane
Les tabliers blancs
Étalés dans la cour
Comme des champignons
À la gloire des œillets
À la gloire de nos jours
Totalement endeuillés

Dans ma grande misère
Je dois marcher sur les pleurs
À défricher les cœurs
À retourner la douleur
Jusqu’aux vilaines pierres
Et recréer la terre entière
Je défricherai les crânes
Jusqu’aux idées obtuses
Démystifier les arcanes
Noyer les feux de la bêtise
Et les idées partisanes

J’irai jusqu’aux cimetières
À faire parler les tombes
À l’image de notre hécatombe
Et faire toute la lumière

Je marcherai contre le temps
Me pressant comme un citron
J’irai contre le vent
En emportant ma raison
Sur un océan de haine
Sur une mer de passion

Je marcherai
À crever les yeux en corps de femmes
Sur les cerveaux où gît le désir
Sur les idées en drames
Je marcherai jusqu’à partir
À extirper le suc de la pensée
Une fois pour toute en finir
Avec sa totale unicité


J’aveuglerai les regards
Criblant ton pauvre corps
En un triste décor
Je tresserai tes cheveux
En nattes de lumière
De l’amour attiser notre feu
De l’amour tisser notre bannière

Ah , ces « haiks » nonchalants !
Ponctuant la cohue
Au détour d’une rue
Le corps à l’abandon
Saliha la quenouille
Elle file la vie
Comme je file mon écrit


Que le rideau se lève
À hauteur du soprano
Que le cauchemar s’achève
Ô léthargie profonde
De l’auditoire immonde

Que le rideau se lève
Comme un vieux corsage
Sur tes seins pleins de sève
Comme tes grands cils
Où le « khol » en mouillage
Tel un bateau des îles
S’en allant d’ancrage en ancrage


Et tes yeux alourdis
Par la bêtise de mon regard
Fenêtres sur un monde
Aux quatre coins fermés

Tu viens, Saliha ?
Allons balayer les rues
Des dogmes ridicules
Décanter l’esprit de ses vues
De l’incompréhension difficile
Réinventer la marelle
Le jeu de colin-maillard
Instaurer la maternelle
Et susciter le hasard
Au plaisir de la marguerite
À l’innocence de nos cœurs

J’attacherai tes tresses
De papillons bleus
L’honneur des fesses
Au ventre creux
Tu joueras dans mes yeux
Tu grandiras dans mon cœur
Loin de tous les enjeux
De tous les chemins de l’enfer

Fatiha la bouteille de parfum
Je humerai jusqu’à tes mots
Jusqu’au verbe anodin
Jusqu’à l’essence de ta peau
Jusqu’à l’heure de demain
Pour que tout soit beau

Que finisse le chagrin
À l’éclatement  de joie
De la chanson populaire
Bouteille de parfum
Fatiha, la fille de la terre

Il faut voir toutes les filles
À la sortie du lycée
Une explosion de vie
S’ouvrant comme un printemps
Voltigeant en grappes de papillons
De toutes les joies comprimées
Éclatant au soleil
Les sourires mitigés
Un monde en merveille
Prenant possession du ciel


Il faut voir mon cœur
De sourire en sourire
Comme une fiévreuse abeille
De fleur en fleur
Les lèvres enfin en veille
Chuchotant le présent
Conjuguant le futur
De mon avenir vagissant.


2 commentaires:

  1. J'ai déjà laissé un commentaire. Pourquoi il n'est pas publié

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  2. Non, Kheira, tu n'as émis aucun commentaire.

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