Mange !
Mange et tais-toi
Le silence nous épie
Derrière les barreaux du bruit.
Mange et oublie !
Que le temps qui nous lie
Est plus long que la nuit.
Mange ce que tu peux de ce fruit !
Cette chair de la providence
Cette viande qui cuit.
Sous le feu acidulé de ta science
Mange cette peau qui luit
Sous le feu de tes idées intenses.
Tiens ! En voici des endroits tendres
Pour te récompenser
D'avoir aérer la cendre
De ce corps brûlé.
Doucement avec doigté
Le libidineux fer empalé
Là, où git encore la vie.
Oui, attends, tu as raison
Mes yeux, je dois les ouvrir
Pour applaudir ton regard.
Je sens venir tout ton art
A vouloir bien ma confession
Entre nous, il n'y a que la Question
Qui nous unit et nous sépare.
Oui, tu as toute ma permission
Car je ne m'en irai nulle part
Dans une telle situation.
Alors, ose à fond la tenaille
Et les crocs de la pince aussi.
Oui, vas-y, pas de quartier !
Ce corps attaché est ton ennemi
Allez, par quartiers entiers
Démembre cette vulgaire canaille.
Sinon, par de petits carrés,
Dépièce-moi cette foutue racaille
Allez, va au fond de la peau
Jusqu'au dernier retranchement
Du dernier grain.
Et ne t'inquiète jamais
Si, mon corps devenu vilain
Se met soudain à crier
C'est ta faute s'il réagit ainsi
Tu y vas tout doucement
En t'inscrivant dans la durée
Tu prends tout ton temps
Comme si j'étais un territoire occupé
Et que tu étais mon seul colon.
Tu sais, je suis fier de toi
Tu manies si bien les outils
Autant que la voix et mes voies
Tu es bien très expert
À faire parler la chair
À mélanger les mots que tu préfères
Et les lambeaux que tu sais extraire
Avec une effroyable dextérité
À mes horribles cris.
Vas-y, mon bel ami
Puisque nous sommes seuls
Au bon milieu de la Question
Tous les deux désunis.
Toi, le pauvre nanti
Et moi le riche démuni.
Parce que nous sommes seuls
Tu oses prétendre à l'amour
Quelle belle lune de miel !
Ma sensibilité et la gégène
Ton paradis et ma géhenne.
Vas-y, ne t'en fais pas
Je saurai garder le secret
Dans l'or de mon sang
Dans les pierres de ma peau
Dans le creux de chaque instant
Dans les moindres plis et replis
De mon âme et de mon esprit.
Oui, mon humain de frère
Mon savant bourreau
Mon royal tortionnaire
Ne t'arrête pas!
Ne t'arrête pas à si bon chemin
Va jusqu' à la fin
Finis le travail demandé
En te frottant les mains
D'avoir très bien obéi.
Regarde comme je te souris
Car je n'ai plus de dents
Alors continue et oublie
Que je n'ai plus de cris
Pour déranger ta petite folie.
Allez, exécute et oublie
Que nous sommes frères
Que nous sommes amis
Surtout ne t'arrête pas
Car tous les murs t'épient
Alors, je t'en conjure, obéis!
Je ne veux pas
Que demain ou après demain
Lorsque je serais définitivement parti
Je ne veux pas
Que toi, mon pauvre ami,
Ne prenne ma place ici.
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