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vendredi 21 avril 2017

Pensée, amour et poésie

Mounia était, en quelque sorte, une île échappée des profondeurs océanes pour qui la vie valait bien le voyage. Elle était cette ville étrangère dont on s’éprend et qu’on ne veut plus quitter jusqu’à en faire une patrie. Elle était cette chose précieuse qui se reflète au bout de l’errance, qui commande l’empressement et la hâte pour arriver là où personne ne vous attend, avec seulement cette attirance magnétique qui enfante l’espoir qui vous guide. Elle était cette femme que l’on n’a jamais rencontrée, mais qu’on se devait d’aimer. Elle était le ciel s’ouvrant le matin pour faire passer le soleil et le soir pour accrocher la lune sur le toit bleu des roucoulements langoureux d’un amour qui n’arrivait pas à définir ses frontières. L’amour et la passion sont des événements importants pour un cœur austère et une âme un peu trop fière.
La poésie est un art phénoménal qui interprète les choses en les fusionnant à sa manière pour les rendre accessibles depuis le palace jusqu’au taudis le plus démuni, en y exerçant les mêmes sensations et en y laissant les mêmes empreintes. Le génie de l’amour est aussi grand poète que magnifique réparateur. L’homme du fait de sa nature aime dans le tragique. Mourad se demandait toutefois s’il n’avait pas trop appuyé sur la note en supposant déjà un amour extraordinaire, alors qu’en fait, il ne s’agissait que d’une impression que le hasard avait habillée du costume du feu follet. En tout cas, la raison commençait à accaparer le terrain squatté par la déception.
La pensée n’était plus ce torrent impétueux sous l’ondée impitoyable des pluies diluviennes ; elle était devenue ce fleuve tranquille où il faisait bon vivre du côté de ses deux rives s’ouvrant tels deux bras cléments et hospitaliers prêts à mourir dans un câlin comme fond la douceur d’un baiser dans un palais amoureux. Elle s’apparentait à une gelée dont on essaie de retenir le goût, dans la mémoire d’une langue anéantie et dont le rêve multiplie le renouvellement. La pensée n’était plus ce tsunami qui part à l’assaut de la grève où l’amour avait dressé ses parasols et amarré ses cœurs ! Elle était cette brise fraîche qui vient caresser les idées sublimes d’un sable trop courtois abritant le secret des corps alanguis. En amour, seul le pathétique brille au suffrage universel. Le beau peut évoluer vers le sublime, mais une fois celui-ci atteint, il devient difficile d’accès au commun des mortels. La raison reprenant peu à peu ses droits, Mourad redevenait sobre, tempérant et mesuré. Les eaux en furie retournaient à leur lit en se retirant des flancs meurtris d’une terre terriblement fatiguée par les contorsions habituelles et ringardes de la bêtise humaine.
Dans ce flux et reflux de la pensée, Mounia épousait les formes de ses idées ; elle était une fois paon moirant sur le toit de la réflexion et une fois louve rugissante à tout va, comme si elle venait de mettre bas. Ces états étaient le fait du bouillonnement de son âme qui penchait selon son humeur, du côté du cœur ou de celui de la raison. Mourad ne se tourmentait plus et d’ici quelques jours, tout ne serait que souvenirs, une belle parenthèse en somme, un bruit dans un vacarme, puis un calme dans un silence.

Benak in L’amour et le sang

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