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lundi 8 mai 2017

La solitude algérienne

La solitude est souvent assise
Au carrefour des mille et un cauchemars
Avec ses yeux plein de fard
Elle ouvre portes et fenêtres
De ma maison fermée
Elle fait courir le temps
Sous mes yeux hagards
À conter les journées
Sans m’offrir un seul regard
Bonjour monsieur le jour
Bonsoir monsieur le jour
À nous deux ma célèbre nuit
Elle est cette parole
S’écroulant dans ma gorge
Aux murs du silence
Où se nichent les mots
De notre folie

Elle est cet habit
Tapissé de laine
Abritant mal les alibis
Cachant mal notre haine
Elle est cette lune
Accroché à la tune
Du bateau de notre espoir
Où le soir s’alune
À la hune de notre soir
Elle est la rue qui avance
En promenant la ville
Sur le corps de notre chance
Où l’esprit de notre honneur
Est plus grand que mon cœur
Elle est la rue qui s’arrête
Au bout de chaque mètre
En faisant des emplettes
À même  notre sort maudit
Où gît la mort
Où gît la vie
Les  portes de l’enfer
Les jardins du paradis

Elle est le barreau
Père de plusieurs fenêtres
Dans la fenêtre a carreaux
De ma célèbre maison
Où s’endort ma peau
Où s’enfuit ma raison
Elle est la mer calme
Qui huile mes instants
Le roulis de mon cerveau
Se tanne au bord du temps
Qui déroule notre âge
Sur le sable roux et blond
De notre seule plage
Le pays que nous aimons
Elle est la mer et l’océan
Navigant sur notre planète
En ameutant tous les vents
De notre vilaine tempête

Elle est la mer déchaînée
À l’assaut des rivages
De mon cœur immolé
À l’enfer du naufrage
Elle est le train qui cahote
Au bout des bois brûlés
Sur des rails qui sanglotent
Comme des femmes répudiées
Les ratés d’un pouvoir
À l’orée de chaque départ
Déraillant à proximité d’une gare
Elle est le bateau qui chavire
Au fin fond de la nuit
D’un peuple en délire
L’amour qui s’enfuit
Abandonnant le navire
A l’embouchure d’un pertuis
Des femmes qui pleurent
Des hommes qui crient
Leur immense douleur
Leur amour du pays
Qu’on assassine d’heure en heure
Sur le quai désert de la vie

Elle est le morceau de pain
Déserteur d’une bouche
À l'affût d’une main
De la faim qui se couche
Dans le ventre plein
De l’âge farouche
Oui, elle est ce bout de pain
Finissant dans un taudis
À la gloire des chats errants
Une femme qui accouche
Sans amour et sans ami

Elle est le chien en haillons
Léchant les vitrines
Caressant les rayons
En tendant les narines
À l’animal qui passe
Elle est école évadée
De la culture dirigée
L’alphabet militarisé
Elle est le lycée
Des livres truqués
Des mots suicidés
Des enfants traumatisés
À l’aube de leur jeunesse

Elle est l’eau du robinet
Ronflant à longueur de journées
Sur mes bidons vides
Et mes rêves  timides
Elle est cet eucalyptus
Évade de notre histoire
À l’ombre de notre humus
Épousant un derrick
Enfumant notre espoir
Elle est le mouton
Qu’on égorge tout le temps
Et bascule la romaine
Et je bascule dans le temps
De l’action vilaine
En arnaquant les gens

La solitude, ma solitude
Elle est le pédoncule
Poussant à même les étals
De mon marchand préféré
Elle est le tracteur qui tousse
Brillant pourtant jusqu’aux ailes
Enrhumé jusqu’aux trousses
Par la pauvreté de mon esprit
Elle est la terre de feu
Se languissant au soleil
Bras orgueilleux et fiers
De mon corps sans abeille
De notre franc alleu

Elle est l’engrenage complexe
De ma conscience douteuse
S’imbriquant admirablement
À une société mafieuse
Collant à la manière forte
À l’habit que je porte
La solitude, ma solitude
Elle est plus grande que le monde
Où j’étends mon esprit
Mes idées au milieu d’une ronde
Aux couleurs de l’Algérie
Mon grand pays

Ma solitude, elle est l’écolier
Pendu à une cigarette
Au-delà de son plumier
Où le temps s’arrête
Qu’il fume en volutes
Des insultes toutes prêtes
Qu’il jette à son  maître
Elle est le professeur
Avec son air malheureux
Le miroir de son cœur
Où souvent il pleut
Qui fait les mille pas
De ces mille cas
Qui le rendraient heureux

Elle est l’ouvrier simple
En tenue de soirée
Tiré à quatre épingles
Dans les villes et cités
Ménageant son corps
Allergique aux manuels
Partisan du moindre effort
Aux travaux usuels
Elle est le petit magasin
Aux grandes arrières boutiques
Qui n’a ni sel ni raisin
Mais un esprit chaotique
Qu’il sème de main en main
Elle est notre épicier médecin
Qui ne fait que des factures
Du serment d’hypocrite
Et du sang de mes martyrs…


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