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lundi 1 mai 2017

Tout est faux, tout est de travers

Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste à l’envers

Écoute, écoute... la voix du silence. Le chuchotement du silence qui se parle, il se dit des choses qui nous appartiennent, nous ont appartenu.
Écoute cette mémoire millénaire qui arpente l’histoire, les mains derrière le dos pareil au censeur qui peine sous sa peau. Il accentue le pas de ces cent pas d’un sans-papiers aux abords du temps que la vague ténébreuse de la cité a depuis longtemps rejeté. Écoute le conciliabule du temps entre passé et futur sur le dos du présent qui s’apprête à mourir... dans le ventre simplement ouvert du passé. C’est simple et pas du tout composé. Les mots de notre encyclopédie, cet alphabet savant qui nomme et renomme au goût des sommités, les choses de la vie... les mots qui inventent les idées qui nous emprisonnent avec les moutons de nos esprits. Quelle merveille ! Ce troupeau robotisé, abruti jusqu’au dernier octet, broutant gentiment les garces idées de la verte aurore. Écoute le silence se taire sur les derniers propos d’un habitant de la terre qui vit en enfer dans ce monde tortionnaire. Tous les hommes ne sont égaux que par leur sexe, disait enfin mon père ; ils sont masculins ou féminins, dit, encore, mon frère.

Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste à l’envers

Les gens du monde sont si beaux, ils brillent de tous leurs feux. Leurs dents où le sourire est si blanc sont comme des soldats à la merci du brillant des yeux où se saoule l’éclat aux vapeurs des alcools et de la finesse des jeux. C’est la mondanité qui se promène nue, toute nue, aux abords de quelques semblants d’habits, si fins, si ténus, des fils tissés sans aiguilles et des frous-frous en guise de tissus.

Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste à l’envers

Embrasse-moi, que je t’aime d’amour éclatant et glisse sous tes pas en un geste de souris. Qu’on entende les bruits des cœurs battants ! Qu’on regarde de quoi est faite la belle vie ! Qu’on décrète la joie à l’aune des applaudissements ! Qu’importe si le soir, après la soirée, découche ! Qu’importe si l’amour est proscrit de ses appartements ! Qu’importe, si ce soir, chacun, seul se couche !

Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste de travers

Ce soir, la vie me promène comme un chien ou une chienne selon ses caprices, selon ses envies, sur le trottoir où des pas reconnaissent les miens ; ils se sont connus au premier détour de la vie ; ils se sont donné la main ces petits vauriens, en faisant de cette chaleur leur unique abri.

Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste de travers

Nous sommes, excréments du monde, la pluralité. Nous sommes les premiers à mourir d’abord, quand la guerre est décidée de l’autre côté, avec nos obéissants matricules, sans notre accord, car le pouvoir total se veut toujours majorité. Le plus beau, c’est qu’on te colle à ton sort en te portant le manteau de ta fatale destinée.

Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste de travers

Écoute le silence s’émietter... il se brise à la hauteur du secret qui s’éternise où la raison se cache à l’ombre de la vertu qu’on assassine, qu’on viole, qu’on tue. Oui, la sincérité n’est plus de mise et l’honnêteté n’est plus admise. Sortons tous de notre peau ! Allumons le feu à nos cerveaux ! Oui, brûlons tous les chemins ! Soyons tous spadassins, les derniers combattants de l’honneur !

Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste à l’envers

Cette Terre où nous faisons carrière, nous sommes enrôlés, engagés jusqu’au jour dernier, dans le corps constitué de la misère. Garde-à-vous ! Au pas de deux, à la criée ! Une, deux ! une, deux ! Jusqu’au cimetière. Allez ! Au nom de la vie, pas de quartier ! Allez, marchez ! La mort en bandoulière. Cette Terre ressemble fortement à une gare. Des voyageurs multiformes sur les quais, éparpillés sur l’arbre du temps… du départ où il fait un automne très déterminé à effeuiller les instants de la vie unipare.

Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste à l’envers

La tristesse roule ses épaules sur le tapis noir d’une cité archi comble, d’un monde accroupi autour d’une cendre tiède, le reste d’un espoir.
Le désespoir culminant à l’Everest du temps. De l’ultime parvis fermé jusqu’au triste boudoir, l’homme, que le jour et la nuit tréfilent, tricote la sentence à bord de l’agenouilloir. L’humanité atteinte de plein fouet d’abasie repose à même le sol froid de son abattoir. La chance dont le cœur fume encore est toute refroidie, elle déchante, la tête enfouie dans son accoudoir. Seule une enfant de la raison, échappée de la griserie, semble tenir haut le pavillon du triste manoir. L’esprit atteint de sclérose en vrac manque d’argutie, il argumente à coups de ratés du haut de son perchoir. Cette mentalité où la pensée est une sérieuse duperie, c’est la raison et la force du malicieux pouvoir.

Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste à l’envers

Nous sommes, les enfants du Seigneur de la Terre, parachutés sur les ailes impalpables de l’infini, les fils de la louve allaitée au biberon de la misère. Nous sommes les frères de nos semblables, ces innommables faux amis, les esclaves malheureux de l’apprivoisé univers. Les serviteurs bien — aimés du magnifique ordre établi. Oui, nous sommes les détritus de l’humus planétaire, échoués sur le ventre flagada des désirs inassouvis, nés de la collision éphémère de l’inceste primaire de parents indifférents et soucieux de nous épargner la vie.
  
Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste à l’envers

Ah, ces gens mondains dont le sourire est méticuleux et dont le rire est un langage bien appris ! Quand ils parlent, c’est pour dire des propos miraculeux qui font éblouir l’assemblée des gens heureux ! Qu’importe le verbe, le mot ou le propos torturé, l’auditoire est toujours là pour deviner le supposé. Il suffit que la bouche soit superbe et bien dessinée pour réussir là où le cœur a souvent échoué. Il suffit que la tête soit bien ronde sur ses épaules. Ces gens ne craignent pas la bêtise, ils disent tout vrai, ils n’ont jamais la hantise, la crainte, la peur d’échouer. Ils tirent à blanc, sans même viser, et le gibier est tué. Ces gens-là s’appellent messieurs et mesdames, pour eux, la vie déroule son précieux tapis.

Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste à l’envers

Il m’arrive certains moments de frôler leur soirée, en passant par malchance du côté de leur rue. Juste devant la porte, sur le trottoir d’à-côté, j’entends les murmures de la ville à l’affût qui viennent à la rescousse au pas cadencé, ils viennent écouter le velours du langage des cœurs froissés qui se lamentent comme des dessous de table en s’échangeant des mots creux, des soupirs déguisés. Au théâtre organisé des sempiternels bals masqués où se tissent les rencarts aussi grossiers que nuancés de ces cœurs riches et certainement blasés, l’amour est une simple question de formalité.

Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste à l’envers

Nous sommes le navire encerclé par l’océan. Les vagues nous lèchent comme des chiens baveux. Au creux de la tempête nous questionne le vent : vos noms, vos prénoms... vite avant l’extinction des feux ! Le ciel est enragé et le soleil est aux abonnés absents. C’est le règne de la nuit où le noir est désastreux ! C’est l’apocalypse, la guerre à l’intérieur du temps ! Allez ! Souquez ferme, ténébreux matelots ! La mort, gorgée d’eau, nous suit, nous attend. C’est cette dame au cœur dur et à l’œil vitreux, ramant vers nous, avide de notre sang.

Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste à l’envers

Oye, oye ! Citoyens, citoyennes ! C’est nous les enfants de la nation ! Les abrutis de la classe humaine. Les primaires, les moyens et les redoublants, les enfants de la patrie républicaine. L’os, le sang et la chair à canon, inscrits juste comme une aubaine pour les seigneurs de notre État-nation qui ont peur du croque-mitaine, de cette guerre qui ne dit pas son nom.

Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste à l’envers

Écoute le silence déchiffrer nos silences à la lumière des anciens parchemins ! Écoute-le raconter nos éternelles absences, du bar de la vie où se noient les orphelins ! Écoute-le battre la morne cadence des pas alourdis par de milliers de chemins où la vieillesse a passé toute son enfance à creuser la vie à la force de ses mains ! Écoute-le recoller les débris de la chance sur le front de ses semblants d’humains.

Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste à l’envers

Toi, le camarade, mon compagnon de toujours, cette masse qui ponctue les rues vagabondes ! Ose un détour du côté de la rue de l’amour aux lueurs des chevelures rousses et blondes ! Méfie-toi des propositions des belles-de-jour accrochées au bras du bonheur comme des guirlandes. Ces faubourgs de joie ont un seul carrefour, le marché aux puces de toutes les offrandes où les sourires se disputent tous les bonjours, où la moindre fleur est une femme féconde.
Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste à l’envers

Oui, mon ami, tu es le mineur du fond de la sueur, le paysan que la terre harcèle continuellement, le chômeur marchant sur le trottoir plein de pluie, l’ouvrier subissant l’usinage de l’abrutissement, le travailleur inlassable d’hier et d’aujourd’hui que la marche du temps marque inexorablement, que le vent d’est ou d’ouest dépasse ou poursuit, que le temps s’en allant déshabille systématiquement en emportant chaque jour la part qui te revient, mais qui te fuit.

Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste à l’envers

Et toi, le marin pour qui sonne un nouveau voyage sans cesse renouvelé par le seigneur des écumes, la vie n’a malheureusement pour toi qu’un seul rivage que l’incertitude enveloppe dans un linceul de brume. La mer a prévu pour toi de profonds mirages, des sirènes très belles sur le sable de ton amertume, des mouettes roses et vertes au splendide ramage, des rêves marins ainsi que des chants à titre posthume.

Tout est de travers
Le faux à l’endroit
Le juste à l’envers

Dans les ports où se meurent les sardines et les mareyeurs, les bateaux ululent toujours... la sonnerie aux morts. La mer dont l’eau suffoque se suicide en large et en longueur, le long du ressac qui se refait du faible au plus fort, sur la falaise dont les pieds mouillés subissent l’enfer. L’homme se démène en prenant la vie au corps à corps dans un tango infini sans gloire et sans honneur, un amour que l’océan balance de bâbord à tribord en le noyant inlassablement dans la marine senteur.

Tout est de travers
Le faux à l'endroit
Le juste à l’envers

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